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Le mouvement associatif entre rigueur des lois et réalité du terrain
Bénéficiant d'un arsenal juridique consolidé
Publié dans La Tribune le 26 - 09 - 2009

A la faveur de l'ouverture libérale, à la fin des années 1980, et depuis la promulgation de la loi 90/31, l'Algérie a vu la création d'associations se multiplier à travers tout le pays. Mais un certain nombre d'entre elles n'auront vécu que le temps de consommer une subvention étatique avant de baisser rideau ou de se mettre en hibernation. Sur plus de 75 000 associations officiellement agréées, elles ne sont que 1 000 à 1 500 au niveau national réellement actives sur
le terrain.
A plusieurs reprises, le ministère de l'Intérieur, l'autorité compétente pour délivrer les agréments aux associations nationales, a menacé de donner un «coup de pied» dans la fourmilière du mouvement associatif pour le délester des «mort-nés». Pour l'instant, rien n'a été fait et ces associations continuent, c'est selon, d'exister ou d'hiberner.
L'association est composée de personnes physiques ou morales qui se regroupent sur une base contractuelle et dans un but non lucratif afin de mettre en commun pour une durée déterminée ou indéterminée leurs connaissances et leurs moyens pour la promotion d'activités de nature notamment professionnelle, sociale, scientifique, religieuse, éducative, culturelle ou sportive. L'objet de l'association doit être déterminé avec précision et sa dénomination y correspondre. La loi 90/31 précise les modalités de constitution, d'organisation et de fonctionnement des associations. Il est ainsi établi, selon la loi, que toutes personnes majeures peuvent fonder, administrer ou diriger une association si elles ont la nationalité algérienne, qu'elles jouissent de leurs droits civils et civiques et qu'elles n'aient pas eu une conduite contraire aux intérêts de la lutte de libération nationale.
Toute association est nulle de plein droit si elle est fondée sur un objet contraire au système institutionnel établi, à l'ordre public, aux bonnes mœurs ou aux règlements en vigueur. Une fois l'association constituée et sauf dans les cas expressément prévus par la loi, il est interdit à toute personne morale ou physique de s'ingérer dans son fonctionnement. Cette dernière acquiert la personnalité morale et la capacité civile dès sa constitution (autrement dit, elle peut ester en justice et exercer, notamment devant les juridictions compétentes, les droits réservés à la partie civile, conclure tout contrat, convention ou accord en rapport avec son objet, acquérir, à titre gracieux ou onéreux, des biens meubles ou immeubles pour l'exercice de ses activités telles que prévues par ses statuts). Il est permis à l'association d'éditer et de diffuser des bulletins, des revues, des documents d'information et brochures en rapport avec son objet. Une seule condition : le bulletin principal doit être édité en langue arabe. Enfin, les associations à caractère national ouvrent droit –après accord du ministère de l'Intérieur- à l'adhésion à des associations internationales poursuivant les mêmes buts ou des buts similaires. Quant aux obligations d'une association, elles se résument ainsi : se distinguer par son objet, sa dénomination et son fonctionnement de toute association à caractère politique. Elle ne peut entretenir avec les associations politiques «aucune relation, qu'elle soit organique ou structurelle, ni recevoir de subventions, dons ou legs sous quelque forme que ce soit de leur part ni participer à leur financement». Pourtant, et il faut le souligner, en Algérie, beaucoup d'associations se muent en organisations fantoches où se mêlent conspirations et positions politiques pour l'enrichissement personnel.
Pour en revenir à la loi, il est exigé des associations de renouveler leurs organes de direction selon des principes démocratiques et aux échéances fixées dans les statuts. Combien sont-elles à respecter cet article de loi ?
Les associations sont également sommées de faire connaître à l'autorité publique compétente toutes les modifications apportées aux statuts et tous les changements intervenus dans les organes de direction, dans les trente jours qui suivent la prise de la décision. Les associations sont tenues de fournir régulièrement à l'autorité publique concernée les renseignements relatifs à leurs effectifs, à l'origine de leurs fonds et à leur situation financière. Le dernier point important dans le volet des obligations est celui obligeant l'association à souscrire une assurance en garantie des conséquences pécuniaires attachées à sa responsabilité civile. Au chapitre ressources et patrimoine, il faut savoir que les ressources des associations sont constituées par les cotisations de leurs membres, les revenus liés à leurs activités, les dons et legs, les subventions éventuelles de l'Etat, de la wilaya ou de la commune.
A préciser que les revenus liés aux activités des associations doivent exclusivement être utilisés à la réalisation des buts non lucratifs. Quant aux dons et legs avec charges et conditions, ils ne sont acceptés par les associations que si ces charges et conditions sont compatibles avec le but assigné par les statuts et avec les dispositions de la loi. Les dons et legs d'associations ou d'organismes étrangers ne sont recevables qu'après accord de l'autorité publique compétente qui en vérifie l'origine, le montant et les contraintes qu'ils peuvent faire naître.
Outre les ressources prévues à l'article 25 de la présente loi, les associations peuvent disposer des revenus découlant de quêtes publiques autorisées dans les conditions et formes prévues par la législation et la réglementation en vigueur. Elles sont tenues de déclarer le résultat à la fin de chaque quête.
C'est le cas, à titre d'exemple, du téléthon organisé à la suite des inondations de Bab El Oued en 2001. Un appel à la solidarité nationale avait été lancé par la télévision et une association est née sous la dénomination «Téléthon» pour gérer cette quête. Malgré l'urgence de la situation dans laquelle se trouvaient les victimes des inondations et au lieu d'être destinés directement à la prise en charge des familles de ce quartier endeuillé, les quelque 50 milliards de centimes collectés, placés sur un compte à El Khalifa Bank, se sont évaporés après l'éclatement du scandale. A voir les articles de loi, il n'y a aucun texte qui interdise à une association le placement de l'argent d'une quête publique, pourtant destiné à une opération prédéfinie, dans une banque. Aucun texte réglementaire ne met en cause la responsabilité de l'association (personne morale) ou de ses responsables dans la perte de cet argent. Deux textes seulement relatifs à la quête existent dans l'arsenal juridique algérien. Il s'agit de l'ordonnance n°77-3 du 19 février 1977 relative aux quêtes et de l'arrêté interministériel du 25 mai 1977 fixant les modalités d'application.
Dans l'ordonnance susmentionnée, il est précisé que la quête est soumise à autorisation du ministère de l'Intérieur si elle est organisée sur plus d'une wilaya et à une autorisation du wali, dans le cas d'une quête effectué sur le territoire de la wilaya. L'article 7 de ladite ordonnance précise que «le ministère de l'Intérieur ou le wali qui a délivré l'autorisation peut ordonner une vérification de la gestion des dons et fonds collectés».
Les dispositions pénales prévues par la loi 90/31 sont, quant à elles, relatives à la dissolution de l'association qui peut intervenir par voie judiciaire «à la demande de l'autorité publique ou sur plainte de tiers, lorsque l'association exerce des activités qui contreviennent aux lois en vigueur ou autres que celles prévues dans ses statuts». La loi précise aussi, selon l'article 46, que «l'utilisation des biens de l'association à des fins personnelles ou autres que celles prévues par ses statuts, constitue un abus de confiance et est réprimée comme tel conformément aux dispositions du code pénal».
«La responsabilité des dirigeants d'une association est engagée lors de l'utilisation, à d'autres fins que celles prédéterminées par l'administration concédante, des subventions, aides et contributions».
«Sauf autorisation de l'autorité compétente, l'utilisation par l'association à d'autres fins prédéterminées par l'administration concédante, des subventions, aides et contributions constitue une infraction et engage, à ce titre, la responsabilité de ses dirigeants.» Il s'agit de l'article 31 de la loi 90/31, lié à l'article 30 de la même loi qui explique que les subventions, les aides et les contributions sont accordées à l'association qui a qualité d'association «d'intérêt général ou d'utilité publique». Ainsi, toute association ayant acquis cette qualité par l'autorité publique, peut bénéficier de la part de l'Etat, de la wilaya ou de la commune, de subventions, d'aides matérielles et de toutes autres contributions assorties ou non de conditions. Lorsque les subventions, aides et contributions consenties sont assorties de conditions, leur octroi peut être subordonné à l'adhésion par l'association bénéficiaire à un contrat préétabli
précisant les programmes d'activité et des modalités de leur contrôle.
Est-ce que l'association «Téléthon» est dans ce cas de figure ? Si c'est le cas, la wilaya d'Alger devait-elle contrôler l'utilisation de la quête du téléthon des
28 et 29 novembre 2001 ?
Il est à préciser par ailleurs que l'Etat a décidé de contrôler ses subventions en introduisant dans la loi n°99-11 du 23 décembre 1999 portant loi de finances pour 2000 l'article 101 qui stipule : «Les subventions de l'Etat ou des collectivités locales ne sont accordées aux associations et organisations à compter du 1er janvier 2000 qu'après présentation de l'état des subventions accordées antérieurement, lequel doit traduire la conformité des dépenses avec les objectifs auxquels lesdites subventions ont été affectées. L'audit est assuré par un commissaire aux comptes agréé.
Le rapport paraphé est déposé auprès du trésorier de la wilaya avant le 31 mars de l'année suivante. Une copie de ce rapport est également déposée, dans les mêmes délais, auprès des instances donatrices. Les modalités d'application du présent article seront fixées par voie réglementaire.» Malgré l'existence de cet article de loi, beaucoup d'associations ont trouvé la parade pour continuer à bénéficier de l'aide de l'Etat sans réellement activer sur le terrain.
Un autre article de loi précise que la dissolution judiciaire ou volontaire d'une association chargée d'une activité d'intérêt et ou d'utilité publique «entraîne la dévolution des biens meubles et immeubles conformément aux statuts». Une question s'impose : qu'en est-il des biens qui ont été illégalement vendus par les responsables d'associations ?
H. Y.


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