À la faveur de l'ouverture libérale, à la fin des années 1980, et depuis la promulgation de la loi du 4 décembre 1990, l'Algérie s'est dotée de nombreuses associations à travers tout le pays. Malgré l'essor de cet espace, lieu d'apprentissage de la culture démocratique aux élites politiques et sociales, beaucoup d'associations ont fini par baisser rideau ou par se mettre en hibernation. Une nouvelle enquête nationale a été réalisée par le sociologue Omar Derras et publiée par la fondation allemande Friedrich Ebert sous le titre “Le phénomène associatif en Algérie”. Cette étude porte sur 24 wilayas et 446 associations algériennes activant sur le terrain. L'auteur de l'étude a d'abord rappelé les trois grandes périodes ayant marqué le mouvement associatif algérien avant l'instauration du multipartisme : la période coloniale, la période allant de 1971 à 1980 et celle d'avant 1988. Selon lui, la configuration de la structure des associations durant l'ère coloniale était dominée par “le secteur social” (40%) et les “associations culturelles” (20%). Marginalisées, les associations autochtones étaient “très contrôlées par l'administration publique française”, prévient M. Derras, en notant avec force le caractère “de contestation” de ce mouvement associatif national. C'est à partir de 1971 que le champ associatif connaîtra des mutations avec l'ordonnance du 3 décembre. Les conditions contenues dans cette loi vont toutefois freiner “toute tentative d'autonomisation des groupes sociaux en dehors de l'Etat et de son parti unique”, écrit-il. Cette période a vu naître, en parallèle, de “grandes” associations étatiques et partisanes, connues sous le nom d'“organisations de masse” (OM). Cette approche volontariste produira “un grand décalage” et dévoilera ses limites, en débouchant sur “une impasse” à la fin des années 1970, note le sociologue. La période suivante sera marquée, quant à elle, par une politique qui va imposer “une véritable purge” au sein des OM. Paradoxalement, avec la promulgation de la loi 87-15 du 21 juillet 1987 et du décret d'application n°88-16 du 2 février 1988, l'espace associatif connaîtra la levée de “certaines restrictions”, à l'exemple de l'abandon de l'agrément préalable. Omar Derras y voit là “un bouillonnement associatif” à partir de 1987, qui va s'accélérer après les émeutes d'octobre 1988. Dès 1989 et après l'annonce de la loi de décembre 1990 sur les associations, l'Algérie connaîtra un développement du fait associatif “de type moderne”. Etat des lieux actuel L'enquête en question montre que la majorité des associations algériennes (plus de 75%) ont été créées (et agréées) entre 1990 et 2004, surtout dans la période 1995-1999 (154 associations, soit 34,5%) et les années 2000-2004 (129 associations, 28,9%). Dans l'étape suivante, l'espace associatif a connu un certain refroidissement, puisque seules 30 associations ont été créées de 2005 à nos jours. Le tableau relatif aux associations, agréées entre 1990 et 2000 par la wilaya, indique que 74 associations (plus de 35%) ont été constituées à Adrar et Tamanrasset, dans le sud du pays, durant cette période tourmentée, contre 72 associations (moins de 25%) dans 5 wilayas du Nord (Alger, Oran, Tizi Ouzou, Boumerdès et Béjaïa). Par ailleurs, l'enquête montre que la totalité des associations enquêtées souffre d'un “manque de moyens financiers et de locaux”, une situation qui les place dans une posture de dépendance vis-à-vis des bailleurs de fonds et des pouvoirs publics. Très peu d'associations, atteste M. Derras, sont aidées par des ONG ou disposent d'un personnel permanent pour assurer la permanence. Il confirme, aussi, une prédominance des associations sociales (43%), des associations culturelles (27,8%) et des associations sportives (13,7%). Cette tendance de structuration de l'espace associatif actif actuel fait dire au sociologue que les “revendications et la remise en cause de l'ordre étatique (…) Ne sont pas à l'ordre du jour”. D'autres constats seront aussi établis. Le phénomène associatif en Algérie, révèle Omar Derras, est “urbain” et “de jeunesse”. Ce dernier enregistre, en outre, une tendance chez les femmes de vouloir s'engager dans de petites associations de moins de 20 adhérents (35,2%). Et alerte sur le taux de mortalité associative qui affecte, selon lui, “un nombre très élevé d'associations”. Alors que les chiffres officiels font état de plus de 75 000 associations, Omar Derras estime, pour sa part, qu'il n'existe que 1 000 à 1 500 associations au niveau national réellement actives sur le terrain. Il conclut que son échantillon représente 80% à 85% des associations actives. H. A.