Le 29 septembre 1963, un groupe d'anciens militants du mouvement national, dont la majorité venait à peine de déposer les armes contre le colonialisme, s'était réuni dans un petit restaurant d'un petit village, El Kahra (dans l'actuelle commune de Fréha, à Tizi Ouzou), pour créer le premier parti de l'opposition d'un Etat qui venait de naître à peine une année auparavant. Ce groupe, dans lequel on peut citer le président Hocine Aït Ahmed, Mohand-Akli Benyounes, Yaha Abdelhafid, dit Si L'hafidh, et tant d'autres, a donc mis en place une formation politique, le Front des forces socialistes et une branche armée. Cette dernière, qui regroupe d'anciens maquisards, à l'instar du colonel Mohand Oulhadj, ancien chef de la wilaya III historique après le décès du colonel Amirouche et celui du commandant Abderrahmane Mira (promu colonel à titre posthume), avait croisé le fer avec l'armée régulière du président Ahmed Ben Bella. Les combats avaient fait des centaines de morts et de blessés. La majeure partie de ces «rebelles» ont été marginalisés et leur passé renié pendant longtemps. Le chef historique du FFS, Hocine Aït Ahmed, ancien détenu de la sinistre prison de la Santé (en France) avec notamment Ben Bella et Boudiaf du temps de la guerre de libération, avait été arrêté en 1964. Condamné à mort, peine commuée à la prison à perpétuité, il avait réussi à fuir, selon la version officielle, et s'installer durablement en Suisse. Quarante-six ans après, il est toujours le leader du Front des forces socialistes. Quant aux principaux dirigeants de l'époque, ils avaient, en majorité, passé un deal avec le pouvoir : leur libération contre l'abandon de l'action politique. En contrepartie, des postes au gouvernement ont été offerts à quelques-uns tandis que d'autres se sont reconvertis en hommes d'affaires. Mais qu'est-ce qui a changé pendant tout ce temps-là ? Comment le FFS a-t-il survécu malgré les innombrables obstacles rencontrés ? Difficile de répondre à ces questions. Mais le parcours de ce parti est pour le moins unique dans les annales de l'histoire politique du pays. Né dans la douleur, il a grandi dans la clandestinité, avant de vivre des moments difficiles ces dernières années. En effet, après la neutralisation de ses principaux responsables, le FFS a dû galérer pendant des années. Poussés à l'exil, certains cadres étaient contraints à la clandestinité. Les activités du parti, elles, étaient réduites à leur proportion congrue. Cette période est marquée par la signature, en 1985, du fameux accord de Londres entre Hocine Aït Ahmed et son vieux rival, Ahmed Ben Bella, sorti de prison cinq ans auparavant. L'accord portait essentiellement sur la conjugaison des efforts de l'opposition algérienne pour faire tomber le régime du parti unique, présidé à l'époque par Chadli Bendjedid. L'ouverture politique de 1989 a donné un nouveau souffle au parti. L'apparition publique du zaïm et des principaux cadres du parti a fini par mettre un visage sur le sigle. Le parti grimpe rapidement les échelons et s'impose comme une force incontournable sur la scène politique nationale. Absent lors des élections locales de 1990, le FFS est arrivé en deuxième position lors du premier tour des législatives de décembre 1991 avec 26 sièges derrière le Front islamique du salut, aujourd'hui dissous. Face à l'arrêt du processus électoral en janvier 1992, le parti de Hocine Aït Ahmed s'oppose à ce qu'il qualifie de «coup d'Etat» et propose une solution politique à une crise devenue largement sécuritaire durant toute la décennie 1990. Le FFS a alterné, par la suite, participation (législatives et locales de 1997) et boycott (présidentielle de 1995). L'élection présidentielle de 1999 a vu la première participation de Hocine Aït Ahmed à une élection à la magistrature suprême. En revanche, il s'est retiré de la course à la veille du scrutin avec cinq autres candidats, laissant Abdelaziz Bouteflika s'emparer de la présidence de la République. Parallèlement à ces évènements, le parti, membre de l'Internationale socialiste, a connu plusieurs crises internes. En 1995, plusieurs militants, dont le premier secrétaire national de l'époque, Saïd Khelil, avaient quitté le navire FFS. En 2000, huit députés avaient suivi le même chemin. Plusieurs autres militants ont fait de même ces dernières années. Tous dénoncent «le manque de démocratie au sein du parti». Les responsables, eux, crient à la conspiration et aux «tentatives de déstabilisation». Mais, contre vents et marées, le FFS est toujours là. A. B.