LA TRIBUNE : Vous réalisez pour la première fois un album entièrement en kabyle. Pourquoi avez-vous choisi les chants marins pour le faire ? Que ressentez-vous ? Cheikh Sidi Bémol : Cet album est né de la rencontre avec Ameziane Kezzar qui est un maestro de la langue kabyle doté d'une culture très étendue. Quand j'ai lu ses adaptations kabyles des chants de marins j'ai été emballé par son projet et je tenais à être l'interprète de Izlan Ibahriyen. Cela peut paraître paradoxal d'associer les chants de marins avec la Kabylie ou même l'Algérie en général. Tout le monde répète que les Algériens n'ont pas le pied marin et qu'ils tournent le dos à la mer, etc. Mais est-ce bien la vérité ? Je n'en suis pas convaincu car il existe chez nous des ports très anciens ainsi que des villages de pêcheurs. Par ailleurs, nos côtes étaient truffées de ports corsaires il n'y a pas si longtemps et, en remontant plus loin dans le temps, on sait que des Berbères, par dizaines de milliers, traversèrent jadis le détroit de Gibraltar pour conquérir l'Andalousie. Plus près de nous, nous voyons bien que, pour des milliers de harraga, le maniement du gouvernail et du sextan n'a plus aucun secret. Alors dire qu'il n'y a jamais eu de «culture marine» en Algérie, cela ne colle pas. Cela dit, seuls les historiens peuvent réellement nous renseigner. La question de la langue ne s'est pas posée pour moi. Comme beaucoup d'Algériens, je m'exprime en kabyle, en arabe algérien, en français et, quelle que soit la langue, c'est la qualité du texte qui compte. Dans le cas d'Izlan Ibahriyen, cette qualité est admirable. L'album a connu un écho favorable en Kabylie malgré un manque de marketing autour du produit. Comptez-vous vous produire en Kabylie, sur la côte kabyle, à la rencontre justement des marins pêcheurs de la région ? Cela me plairait beaucoup d'aller chanter devant des marins pêcheurs de Kabylie et cela me plairait encore plus de les écouter chanter.