Mercredi dernier, le Centre culturel français (CCF) d'Alger a projeté Nuit noire 17 octobre 1961, réalisé par Alain Tasma, d'après un scénario original de Patrick Rotman. Durant plus d'une heure trente, les cinéphiles ont été plongés au cœur de l'une des pages les plus sombres de la répression policière en France contre les Algériens lors de la manifestation pacifique du 17 octobre 1961. Le film débute quelques semaines avant cette funeste date. Il raconte les destins croisés de Sabine, journaliste à la télévision, «indifférente» à la guerre d'Algérie, mais qui aide parfois son amie Nathalie, porteuse de valise du FLN, Martin, jeune policier au commissariat du 18ème arrondissement, que l'assassinat de son ami par le FLN fera basculer dans la violence aveugle et Tierce, un policier syndicaliste, ancien résistant, brigadier au commissariat du 18ème, qui refuse les exactions et les humiliations lors des contrôles d'identité. Du côté algérien, il y a les personnages des représentants du FLN, dont «Maurice». Et aussi Tarek, ouvrier de nuit, qui sera froidement étranglé et jeté dans la Seine par les policiers avant même le 17 octobre. Son neveu Abdé, jeune ouvrier, suit des cours du soir sur les encouragements de son patron, juif déporté qui écrira une lettre de protestation, lorsqu'il découvre que son employé a été tabassé par les flics. Au milieu de tous ces personnages, il y a l'instigateur de ces massacres : Maurice Papon. Le film est ponctué de phrases réellement prononcées par le préfet de police, à l'instar de «à partir de maintenant, pour un coup reçu, vous en donnerez dix. Vous serez couverts». Au fil des images, l'émotion va crescendo jusqu'à l'illustration de l'innommable. Une des terribles images du film, est celle d'Abdé avançant en tête du cortège. Face à un barrage de police, courageusement, désarmé, il avance les bras en croix. Il est abattu froidement par un policier qui s'affaire à communiquer par radio que des manifestants tirent des coups de feu. Cet acte sera filmé par Sabine. Elle veut faire passer ces images au journal télévisé, son responsable lui réplique froidement : «Certes, ce sont de formidables images d'archives pour l'histoire, mais il est hors de question de les montrer à la télévision, vous ne feriez que mettre de l'huile sur le feu.» Bravant la censure, Sabine décide de les montrer à des journalistes, mais la bobine est confisquée de force par les Services généraux. Le film montre également l'omerta qui pèse sur les massacres. Toutefois, certains policiers à l'instar du brigadier Tierce, auront le courage de braver la loi du silence. Tel un ultime devoir de mémoire, la dernière image du film se clôture sur la longue litanie des noms de victimes algériennes portées «disparues». Puis sur un fond noir surgissent les phrases : «Les informations judiciaires ouvertes aboutirent toutes à des non-lieux. Il n'y eut jamais de commission d'enquête. On ne saura jamais combien d'Algériens sont morts le 17 octobre et les jours suivants. Les estimations varient entre 50 et 200 victimes.» S. A.