La Tribune : L'hypercholestérolémie tend à devenir un problème de santé publique en Algérie. Comment expliquer cette situation ? Pr Moussa Arrada : En effet, l'hypercholestérolémie est en train de devenir un problème de santé publique pas seulement en Algérie mais partout dans le monde. C'est dû aux changements des habitudes alimentaires. Les repas trop riches en gras engendrent des troubles métaboliques. Je précise que c'est une anomalie biologique. Ça devient un problème de santé publique parce que c'est un des facteurs de risque des maladies cardio-vasculaires qui sont la première cause de mortalité à travers le monde. L'étude Tahina réalisée par l'INSP en 2005, sur 13 358 causes de décès dans 12 wilayas du pays, a conclu que les maladies cardio-vasculaires représentaient 44,5% des causes de décès. Les troubles métaboliques, type hypercholestérolémie, en sont un des facteurs de risque. Le cholestérol en excès dans le sang provoque la formation d'une plaque athéromateuse qui bouche les vaisseaux, particulièrement ceux coronaires et induit des infarctus du myocarde. Ces conséquences cardio-vasculaires font que l'hypercholestérolémie est à prendre en compte et à prévenir. Cette maladie ne se manifeste pas par des signes majeurs ... C'est juste. Sur le plan clinique, il n'y a pas de manifestations. Il n'y a pas de symptômes, si ce n'est les vertiges, les lourdeurs de tête et les bourdonnements d'oreille. Sans plus. C'est une maladie biologique. C'est dans le sang. Seul un bilan sanguin permet de la révéler. J'insiste sur le fait que l'hypercholestérolémie est un facteur de risque des maladies cardio-vasculaires, en même temps que l'hypertension artérielle, la sédentarité, le tabagisme…et on peut agir sur eux par un bon régime alimentaire. Il faut savoir qu'il y a ce qu'on appelle le bon cholestérol (HDL) qui sert à protéger le corps, mais il y a le mauvais (LDL) qui peut provoquer de grands dégâts. Des médicaments existent et agissent contre l'élévation du cholestérol mais la prévention doit toujours être de mise pour éviter d'en arriver aux complications. Auriez-vous des chiffres bien précis concernant cette maladie ? C'est très difficile de parler de chiffres quand il s'agit de cholestérolémie. C'est une maladie métabolique et seules des analyses sanguines permettent de la détecter. Quelles sont les personnes particulièrement prédisposées à cela ? L'obésité, la sédentarité, le tabac sont des facteurs de risque en même temps que les dyslipidémies. Ça va ensemble. Il y a donc l'alimentation trop riche en gras comme facteur majeur ; quand on consomme beaucoup de viande, beaucoup de gras, de beurre, tout cela prédispose à l'hypercholestérolémie. Autant nos aînés qui se contentaient de légumes et de fruits étaient en bonne santé, autant les populations d'autres pays en souffrent à cause du changement des modes alimentaires. On consomme tout ce qu'on trouve sur le marché et cela favorise les troubles métaboliques. Le problème est d'autant plus grave que ça commence chez les enfants qui sont là, devant leurs jeux électroniques, ils ne bougent pas et grignotent sans arrêt. Ils sont obèses et inactifs. On est loin de cette situation mais on doit protéger nos populations. Cela est possible par un bon régime alimentaire, une véritable éducation sanitaire. Il faut favoriser les régimes riches en légumes et en fruits, nous ne le dirons jamais assez. Il est clair qu'il y a un coût mais il vaut mieux investir dans les méthodes préventives que de financer celles thérapeutiques qui reviennent cher…Quand la plaque d'athérome est constituée, c'est fini. Les dégâts sont déjà faits. On ne peut pas revenir à la case départ. Quels sont exactement ces dégâts ? Les artères deviennent rigides. Elles se bouchent. Et quand les artères se bouchent, il y a des traitements médicamenteux mais n'espérez pas revenir à l'état normal. Le capital artériel est important. Il y a des organes nobles qu'il faut protéger. Le cœur et le cerveau en particulier. Il y a aussi les artères des membres inférieurs qui, si elles sont altérées, peuvent mener à l'amputation. Le problème est à prendre de façon globale pour éviter que ces nouvelles maladies s'étendent, en Algérie comme ailleurs dans le monde. Nous avons une population jeune, nous devons la protéger. Il semble que certains médicaments sont inutiles et ont des effets secondaires… Inutiles ? Non. Contestés. C'est une question de tolérance. Il est vrai que les médicaments utilisés ont quelques effets secondaires mais ils sont mineurs. Ce n'est rien devant le bénéfice que reçoit le malade. De plus, c'est un bénéfice à long terme. Ça prévient les maladies cardio-vasculaires. Les médicaments que nous utilisons ont bien montré leur efficacité. Ils diminuent le taux du mauvais cholestérol (LDL) et augmentent celui du bon cholestérol (HDL). Pourriez-vous nous donnez quelques détails sur le régime alimentaire à suivre pour prévenir cette hypercholestérolémie ? Quand vous diminuez les abats, les viandes, vous diminuez l'acide hyalurique dans le sang qui est pourvoyeur de goutte. On dit que la goutte est une maladie des riches. Généralement, ce sont les personnes qui consomment beaucoup de viande, de foie, d'abats qui en sont atteintes… Un jaune d'œuf, c'est 300 mg de cholestérol. Le blanc n'en contient pas mais il ne faut pas prendre plus de deux œufs par semaine. Pour ce qui est de la viande, nous consommons beaucoup de viande d'agneau. C'est la plus néfaste. Elle est pourvoyeuse de cholestérol. C'est vrai que le gras donne du goût mais il est mauvais pour la santé. Les viandes maigres (veau) sont préférables à celle de l'agneau et les viandes blanches sont à préférer à celles rouges. Le poisson est meilleur que ces viandes mais il faut savoir choisir le bon. Le lait aussi, il vaut mieux prendre le demi-écrémé ou l'écrémé. Les fromages, il faut prendre les moins riches en matières grasses. Le camembert à plus de 40% de matières grasses est néfaste pour les artères. Il faut aussi faire attention au beurre. Il vaut mieux cuisiner avec de la margarine plutôt qu'avec du beurre. Evitez les fritures. En gros, il faut éviter les acides gras saturés. Quand ils sont élevés, ils se transforment en cholestérol. Il y a une hypercholestérolémie et, bien sûr, le risque cardio-vasculaire augmente. On conseille les acides gras insaturés parce qu'ils ne se transforment pas en cholestérol. Je parle surtout de l'huile d'olive qui est très bonne pour la santé. L'huile de maïs, de tournesol, c'est à conseiller. Nous avons aussi les figues sèches. Le céleri, le persil… toutes les fines herbes sont également à conseiller. Les épinards, c'est excellent. Les haricots verts, les cardes, la courgette… Tout cela est très bon pour la santé. Et il n'y a pas de souci à se faire pour sa ligne car vous pouvez prendre des kilos de légumes verts, vous n'ajouterez pas 100 grammes à votre poids. Les légumes secs, type lentilles et pois, sont bons aussi. Pour les fruits et légumes, il faut éviter les oléagineux (noix, cacahouettes, pistaches… très riches en cholestérol). Pour les féculents, les pâtes, le riz, il n'y a pas de problème. La pomme de terre est à éviter, elle est pourvoyeuse de cholestérol. En revanche, tout ce qui est viennoiseries et pizzas est mauvais. Dans un seul verre de limonade, on trouve l'équivalent de 9 morceaux de sucre. Ce n'est pas très facile à appliquer… La santé d'une population, ce n'est pas uniquement l'affaire des médecins. C'est une question intersectorielle. Il faut aider les ménages à avoir une alimentation qui les préserve de ces nouvelles maladies. K. M. L'hypercholestérolémie C'est une maladie génétique dont le caractère héréditaire est autosomique dominant. Elle se caractérise par des taux sanguins de cholestérol plus élevés que la normale, dus à la présence d'une forme anormale de récepteur du cholestérol à la surface des cellules. Les taux élevés de cholestérol peuvent provoquer le développement d'une athérosclérose. Il n'y a aucun traitement spécifique de la maladie, mais elle peut être maîtrisée par des mesures diététiques consistant à éviter les graisses saturées, que l'on trouve dans les viandes rouges, les œufs et les produits laitiers. Les dyslipidémies Elles se définissent par des taux élevés de LDL-cholestérol (dit «mauvais cholestérol») et/ou de triglycérides et/ou des taux bas de HDL-cholestérol (dit «bon cholestérol»).