Est-ce qu'on «bouquine» encore aujourd'hui autant qu'avant en Algérie ? Difficile de décréter une sentence sans appel, mais on peut d'ores et déjà affirmer qu'on lit moins. Beaucoup moins qu'avant. D'année en année, les rangs des lecteurs se rétrécissent comme peau de chagrin, à l'image de ces librairies et bibliologies qui troquent leurs rayons surchargés de livres autrefois contre des comptoirs de fast-food. Difficile, aujourd'hui, de savoir si les lecteurs peuvent être situés ailleurs que dans la sphère des chercheurs académiques. Le lectorat extra-universitaire tend à disparaître, sinon se réduit en lectorat religieux, là où le marketing bat son plein. Le terrain, reconnaissons-le, a été cédé par la force de l'ignorance à un segment mercantile monopolisé par les intégristes. Il s'agit, essentiellement, d'un marché qui cible non un lecteur mais un consommateur pour lequel tout est à prendre, notamment si le contexte marketing y est. Pour ce qui est de la production locale, hormis le religieux très prolifique, il n'existe pratiquement plus d'œuvres littéraires au sens profond du mot. On assiste souvent à la prolifération de textes sous forme d'essais ou de timides tentatives en quête d'appuis qui ont de rares chances d'être édités outre-mer. Nul n'ignore que le livre en tant que support didactique et élément important dans la diffusion de la culture et de la connaissance en Algérie reste souvent hors de portée des bourses moyennes, et ce, même s'il est produit localement. Ne restent accessibles que les tenants de la médiocrité, avec leur semblant de littérature qui n'augure rien de bon pour les jeunes lecteurs algériens. D'ailleurs, la désaffection affichée par ces derniers illustre, on ne peut mieux, leur détachement de tout ce qui touche à l'écrit. Un état des lieux qu'on pourrait trouver normal à l'ère de l'Internet, des téléphones portables et autres «babioles» technologiques. Que fait-on pour faire revenir les jeunes vers des auteurs oubliés ? Que fait-on pour leur faire découvrir les chef-d'œuvre de la littérature algérienne, arabe ou universelle ? Si nul n'ignore que la lecture est un apprentissage, force est de constater que rien n'est fait pour la promouvoir. Les programmes et manuels scolaires sont dépourvus de dossiers qui peuvent orienter les jeunes vers la lecture, la découverte d'un livre qu'on recommande en lecture dirigée. Les manuels scolaires, tous cycles confondus, ne préconisent plus d'accompagnement des programmes par des listes de lectures incitatives imposant la lecture d'un roman au choix de tel ou tel auteur. C'est dire qu'il reste peu de place pour le livre. Tout porte à croire qu'il n'existe pas une réelle volonté de la part des pouvoirs publics de redonner aux jeunes le goût de la lecture. Il ne peut aucunement y avoir maîtrise de la politique du livre s'il n'y a pas de professionnels sur le marché, d'où la nécessité de la formation de responsables. G. H.