De notre correspondant à Constantine A. Lemili La direction de la culture a eu une idée de génie mardi dernier en réactivant ce qu'était l'ancien «Club du lundi», le rendez-vous hebdomadaire culturel mais relooké en la circonstance en «Espace du mardi» en raison du nouvel aménagement de la semaine administrative et de son premier numéro, le redémarrage d'une rencontre conviviale apprécié par ses habitués à la question de la relation médias/culture en invitant un parterre de journalistes, lesquels malheureusement n'ont pas été du rendez-vous. Relations relativement tumultueuses à Constantine, dans la mesure où il a été plus ou moins fait reproche aux journalistes d'être ou trop à proximité ou trop loin de la question mais l'essentiel étant qu'il n'existe pas aux yeux des responsables de journalistes spécialisés en la matière. Une litote en somme dans la mesure où il n'existe de journaliste spécialisé en rien à Constantine sauf peut-être en sport, mais, est-il nécessaire de le souligner, en football qui reste le fourre-tout par excellence. Vaste sujet annoncé, donc, par Youcef-Djamel Brihi, le directeur de la culture par intérim, d'autant plus qu'il se savait en terrain sûr dans la mesure où seuls cinq journalistes étaient présents à la rencontre, surtout des journalistes qu'il n'a que trop l'habitude de croiser parce que parmi les rares à s'acquitter de leur mission comme un sacerdoce et non pas comme une activité administrative. En somme, comme le soulignera un confrère, «l'acte culturel est un acte de tous les jours et non pas circonstanciel». A Constantine, s'il existe des infrastructures culturelles, s'il existe des hommes et s'il existe une réelle volonté de faire bouger les lignes, la rupture avec le ou les publics est consommée à un tel point qu'il semble relever de la gageure de pouvoir réarmer le mécanisme et rétablir les affinités citoyennes. Maintenant, ces infrastructures si tant est qu'elles sont présentes, nul à Constantine -et plus particulièrement les journalistes- n'ignorent qu'elles sont ou obsolètes ou en totale déshérence. Le directeur de la culture concède d'ailleurs le triste état des lieux. Aucune salle de cinéma ne fonctionne ; la ville ne dispose que de deux antres culturels : la maison et le palais. Le second, réhabilité il y a deux ans, accueille des manifestations ad hoc seulement quand il s'agit de manifestations d'élite ou politiquement stratégiques toujours dans le domaine de la culture à l'image des «semaines de la culture» d'une wilaya donnée. Donc, à partir du moment où il n'existe pas d'infrastructures, comment peut-il être envisagé une promotion de la culture ? La rencontre a, d'emblée, tourné au débat passionné et pratiquement à des reproches formulés de part et d'autre, notamment quand il était question de dire que les journalistes ne procédaient pas à la couverture médiatique de la majorité des évènements. En fait, il est impératif d'apporter une clarification sur ce reproche précis. La question ne se pose pas en termes de couverture sur le plan quantitatif mais plutôt qualitatif. Or, il semble pour le moins incongru d'assurer d'une manière répétitive le déroulement d'une «semaine de la wilaya de Naama à Constantine» quand on sait que le pays compte quarante-sept autres wilayas à moins de faire délibérément, et comme par sadomasochisme, dans le rébarbatif. Ce que nous avons considéré comme étant une culture d'Etat et administrative comme nous a paraphrasé un confrère ne ressemble en rien à celle indépendante dont peut se prévaloir uniquement la capitale. D'où, d'ailleurs, le grand brassage, même si cela n'est que relatif, que vit la ville d'Alger comparativement au reste des wilayas du pays. Le centre culturel français de Constantine devrait, par ailleurs, servir d'exemple en ce sens que l'engouement des jeunes et les adhésions massives sont de notoriété publique. Les activités éclectiques, les conditions d'accueil, le renouvellement des programmes, le respect du timing, la soft attitude des fonctionnaires et des adhérents concourent forcément à la force attractive de ladite institution sur les habitants de la ville des Ponts, notamment parmi les jeunes, les étudiants, les universitaires, les cadres et autres professions libérales. Parler, pour Constantine, du Festival national et/ou international du malouf ou de la musique arabo-andalouse, des Aïssaouas, de la rencontre des femmes poètes, n'intéresse pas les jeunes constantinois plus qu'ils ne pourraient l'être par la reproduction naturelle du gnou. C'est cette culture d'Etat rébarbative imposée que les journalistes ont surtout voulu expliquer au public et aux responsables présents à la tribune. En tout état de cause, un tour d'horizon complet a été fait et la réalité du terrain brossée avec beaucoup de sérénité et de sincérité. Et quoique un intervenant s'est cru obligé de condamner l'usage, par les journalistes, de la langue française pour parler de la culture, laquelle, selon lui, ne peut qu'être arabo-musulmane et ne devrait être évoquée que par l'usage de la langue nationale. Paradoxalement, seuls trois journalistes francophones étaient présents en ce premier «Espace du mardi» au cours duquel non seulement la presse arabophone a brillé par son absence mais surtout les responsables (directeurs de l'Agence presse service [APS], la télévision régionale, la radio régionale) invités pour l'animer. La culture à Constantine restera à chaque fois sur un goût d'inachevé qui ne peut finalement qu'être tout bénéfice pour les médiocres qui confortent ainsi leur pérennité.