Photo : S. Zoheir De notre correspondant à Bouira Nacer Hannachi Partout dans les agglomérations de la wilaya, des centaines de jeunes occupent les coins de rues près des places publiques avec des étals, très achalandés en marchandises de confiserie, du tabac, des cacahouètes et bien d'autres produits qu'ils écoulent en toute légalité. Les autorités ne sont guère dérangées par ce commerce formel qui a prospéré, ces jours-ci. Les Algériens en général et les Bouiris en particulier s'apprêtent à vivre deux grands événements, l'un historique et l'autre footballistique, deux événements à l'occasion desquels les responsables locaux sont à la recherche de la participation positive des citoyens : d'abord en célébrant comme il se doit l'anniversaire de la Révolution, afin d'exprimer leur attachement et amour envers le pays, puis de fêter de manière grandiose la qualification de l'équipe nationale, au Mondial de 2010 qui aura lieu en Afrique du Sud. Ainsi, le nationalisme et l'amour de la patrie sont au rendez-vous avec l'enthousiasme de la victoire, qui a progressé au fur à mesure que l'équipe nationale se rapproche de la qualification. Les tenants de ce commerce informel ont trouvé bien sûr une aubaine pour se faire de l'argent, en décorant leurs étals avec des drapeaux aux différentes formes. Depuis plus d'une semaine, des drapeaux, des tricots aux couleurs de l'EN, des sombreros, des bracelets et divers marchandises, colorés en vert, rouge et blanc sont écoulés par ces marchands, qui, pour attirer plus de clients, s'arrangent à mettre à fond le volume d'une chaîne stéréo diffusant des chansons en hommage au onze national. C'est une véritable opération de marketing que viennent de réussir ces jeunes, en réhabilitant un nationalisme lié à la conjoncture du pays et à leur façon. Pour les parents de ces derniers et quelques responsables, ces jeunes sont en train de gagner leur vie, ils s'occupent dans la journée, c'est mieux comme cela disent-ils, au lieu qu'ils soient livrés à l'oisiveté et au marasme social généré par le chômage endémique qui touche, surtout, les jeunes fraîchement sortis des universités et des centres de formation. Un sexagénaire nous a indiqué, avoir pitié de ces jeunes qui n'ont point de perspective : «Les jeunes de cette époque ne veulent guère être les héritiers de Novembre, ils n'ont aucun sentiment de nationalisme, ils ne savent rien faire de leurs mains.» Les phénomènes de «harraga» et «kamikaze» ainsi que du suicide, qui se sont incrustés et assombrissent l'actualité nationale, ne sont que la conséquence des mesures prises jusque-là en direction de la jeunesse. Ceci a lieu, en dépit des sommes colossales dépensées ici et là pour le développement local, la jeunesse actuelle n'est pas très patiente ni consentante face à la réalité que vit le pays, alors que leurs aïeuls ont dû faire face à une situation insupportable durant la période coloniale.» Pour sa part, un fonctionnaire d'une administration a déploré le fait que les citoyens sont dominés par le sentiment de déception et du désespoir : «Ils ne pensent qu'à fuir le pays, et les autres sombrent facilement dans la dépression et alimentent le bilan macabre du phénomène du suicide dans le pays, notamment dans la région de Bouira.» Un autre adulte a critiqué le comportement des jeunes : «Ils ont perdu tous les repères, l'erreur incombe à leur milieu familial et à l'école». Selon ce dernier, les jeunes ne sont pas armés de conviction pour aimer leur pays, alors que les plus adultes ont dus être déçus après tout ce qu'a vécu l'Algérie depuis l'indépendance, comme événements tragiques. De plus, ils furent longtemps leurrés par les discours à sens unique et l'enseignement tronqué de le l'histoire du pays. Pour ce dernier, les étalages sur les trottoirs où l'on vend l'emblème national, maillots, chapeaux fantaisistes, écharpes aux couleurs de l'équipe nationale qui font la joie des grands et des petits vont persister bien après la fête de la qualification de l'équipe nationale, mais rien n'indique que la jeunesse qui attend ces moments de liesse, n'irait pas renouer avec le désespoir. Toutefois, nombreux sont ceux qui pensent qu'à la suite des victoires répétées de l'EN, les jeunes ont mis au placard leur désespoir. «Oui, une autre victoire ferait rêver les Algériens et limitera le phénomène harraga», rassurent certains, mais cela ne serait valable que pour une durée, car après toute célébration ou liesse populaire, chaque citoyen serait au rendez-vous de sa propre réalité sociale.