Photo : A. Lemili De notre correspondant à Constantine A. Lemili à tous les coins de rue de la ville, il peut se trouver un élément du puzzle qui fait la mémoire de Constantine. Des plaques ayant gardé leur (s) ancienne (s) appellation (s) à des publicités dessinées à la main, des graffitis qui remontent loin, bien loin au siècle dernier. Comme il reste d'autres vestiges lesquels sans avoir eu besoin d'appartenir à d'augustes civilisations dont les armées ont eu à transiter et/ou guerroyer sur les terres de ce qui fut la Numidie n'en sont pas moins remuantes parce qu'elles permettent de faire une lecture même sommaire d'un passé sans doute trop récent pour être encore immortalisé mais qui appellent, toutefois, à un certain entretien ne serait-ce que pour garder en l'état une mémoire, de génération en génération, comme d'autres restaurent des kilomètres de pellicule pour que reste vivace ce que l'on qualifie banalement de bons ou mauvais souvenirs mais, en fait, est du domaine de la erpétuation de la mémoire.A Constantine, il se trouve beaucoup d'endroits porteurs d'histoire, des endroits parlants que malheureusement ceux qui s'en souviennent gardent pour eux non pas par réflexe égoïste, attitude volontaire mais davantage parce qu'ils jugent que nul n'aurait besoin de savoir que si «Constantin a érigé Constantine, c'est en quelque sorte pour faire une réplique de Constantinople», dira M. S. Bengouirah, 82 ans, qui n'a jamais eu besoin d'aller sur Internet pour compiler des informations sur sa ville «depuis que les troupes françaises ou, encore plus tôt, les Turcs ont posé pied sur le territoire». Sur place, il exhibe des factures datant de 1919 justifiant des achats de bijoux faits par son père et c'est justement ce père qui lui a raconté son siècle comme il a appris beaucoup de choses sur son grand-père.Il nous parlera des haltes ferroviaires qu'à la fin du dix-huitième siècle déjà disposaient les grands propriétaires terriens et qui leur permettaient d'exporter vers le continent fruits, légumes et cheptel très apprécié. Il nous parlera avec un grand souci du détail de «ces haltes que vous pouvez voir à hauteur de Aïn Smara, Chaabet Ersas, Lamoricière [la zone industrielle], il suffirait seulement de vouloir les trouver. Mais qui s'intéresse, aujourd'hui, à cela si les gens et les institutions concernés ne le font pas ? Tout le monde parle de Bab El Oued pour n'avoir gardé en mémoire que La brèche car comme son nom l'indique c'est par là que l'envahisseur français est parvenu à faire tomber la cité, sans souligner qu'il y avait d'abord un oued qui coule encore et qui est visible en certains endroits de la ville, notamment dans les caves de quelques habitations. Il y aussi Bab El Kantra non pas parce qu'elle avait des portes (qu'elle n'aurait eu que plus tard effectivement), mais en raison de la poterne qui y était dressée dans l'objectif de garder un œil vigilant sur les entrées et sorties d'étrangers d'autant plus que ces derniers devaient, voire été sommés de quitter les lieux après la prière d'El Asr. Comme il existait Bab El Djabia, où étaient entassées toutes les ordures ménagères de la cité et une manière comme une autre de dévaloriser la vieille ville et ses habitants.» Notre interlocuteur parlera des statues déboulonnées dans les différents jardins de la ville, celle de Lamoricière et pour cause, mais ne s'expliquant pas les raisons qui ont fait que l'on ait débarrassé la statue de Constantin du glaive et le parchemin, dont la connotation était hautement ymbolique, qu'il brandissait, du rasage de l'ancien casino pour y réaliser une place repoussante. «Qu'on le veuille ou non, même si certaines sinon la majorité de ces réalisations ont valeur de stigmates pour nous compte tenu du contingent d'horreurs, de drames véhiculés, des douleurs qui n'ont épargné aucune famille à Constantine, il n'en demeure pas moins qu'elle font partie d'un passé que nous ne devons surtout pas oublier pour bien des raisons dont la plus essentielle est justement l'imprégnation de la mémoire collective, ces retours sur le passé qui, dans le présent, cimentent la cohésion nationale et renforcent, on ne peut mieux, l'attachement à leur identité les générations futures.» Avec notre interlocuteur, nous avons effectivement tout survolé et, en conclusion, il estimera «que tout ce que l'on peut approcher dans la ville est susceptible d'être un témoignage du passé aussi bien lointain que rapproché. Ceux qui en savent quelque chose scrutent la mort dans l'âme l'ignorance de tels legs de l'histoire. Heureusement que la beauté naturelle des gorges du Rhumel, le pont des chutes, le chemin touristique quoique déglingué, Dlimates, les bassins du M'cid, le palais du Bey, El Ghorab, le monument aux morts sont immuables et ne peuvent être occultés parce qu'ils s'imposent à l'œil, et s'ils ne suscitent pas immédiatement la curiosité de nos compatriotes, ils aident au moins à faire connaître aux autres, les visiteurs étrangers et les touristes,l'histoire, la riche histoire de Constantine capitale numide.