De notre correspondant à Constantine Nasser Hannachi «La vieille ville somnole-t-elle… ?» A priori oui. La médina promise à moult prises en charge pour en faire un espace d'échanges où se métisseraient les ifférents us et coutumes de la cité continuent de voir arriver des intrus, attirés par l'exploitation de ce qu'il en reste.Son devenir est aujourd'hui entre les mains des décideurs locaux qui veulent en faire un terroir où «le Tout- Constantine» mettrait en valeur son histoire, son patrimoine, sa culture, son savoir-faire… Mais e planning attend, semble-t-il, l'achèvement de la réhabilitation de la rue Mellah Slimane, qui est en chantier, pour pouvoir mettre à exécution cet objectif. Cette «transformation» ou plutôt ce retour aux sources devra passer par un recensement des «authentiques» propriétaires des locaux pour leur définir des cahiers des charges spécifiques. Ainsi, chaque occupant devrait s'astreindre à une activité allant de concert avec l'identité du site. Même perspective pour le palais du bey qui aura, à un degré moindre, échappé à la dénaturalisation. Il demeure une résidence sauvegardée. Cependant, cela ne l'a pas pour autant préservé des attaques du temps et des hommes, et le palais a perdu des pans entiers de ses traits originaux. Certes, il a bénéficié d'une opération de réhabilitation, mais elle a duré dans le temps, et les travaux de restauration ne sont pas encore finalisés. Sa réouverture au grand public, dont les touristes, n'est d'ailleurs pas encore décidée, bien que le responsable du chantier de restauration atteste qu'«il est possible de le mettre en service, car on en est aux dernières retouches». «De plus, les visiteurs, les architectes surtout, pourraient profiter de la présence des restaurateurs pour en apprendre un peu plus sur le travail de restauration», dira-t-il. Que de vestiges inexploités… Dans une récente enquête menée par l'association «Les amis du musée Cirta» il est signalé l'existence de 9 fontaines parmi la vingtaine que comptait la vieille ville. Ce sont là des témoins d'un passé et un patrimoine qu'il faut préserver et savoir mettre à profit. Du côté de Sidi M'cid on n'a pas besoin de fouiner. Le chemin est balisé. La population attend toujours la réhabilitation des ascenseurs pour contempler les gorges du Rhumel alors que le pont suspendu a été éclairé la veille du 1er novembre. Les Constantinois le connaissent bien. Pourtant, ils n'ont pas hésité à le traverser pour admirer ce petit changement de décor. Les haubans ont vibré, le temps d'une soirée. En revanche, le monument aux morts enrobé de couleurs scintillantes depuis quelques mois pour attirer les regards, mais sans grand succès. On lui tourne le dos. Les promesses de mettre en valeur cet acquis à l'architecture exceptionnelle sont malheureusement renvoyées aux calendes grecques. Presque livré à lui-même, sans entretien, il n'attire plus que quelques rares visiteurs qui s'y arrêtent le temps d'une photo-souvenir avant de regagner vite leurs bagnoles, chassés par les odeurs nauséabondes qui s'y propagent.«Softly», le téléphérique, vient combler quelque peu le vide. Les passagers transitant par Constantine l'empruntent souvent pour une envolée au-dessus des gorges du Rhumel. Mais c'est bien insuffisant pour relancer un secteur touristique local mal en point. Peut-on développer un secteur qui ne parvient pas à instaurer une feuille de route, qui n'a aucune stratégie pour mettre en relief les vestiges et autres traces historiques que recèle la cité millénaire ? A Constantine, l'atout touristique est tout simplement et franchement délaissé. Ce secteur est pris en charge dans un microcosme coupé des réalités et des problèmes du terrain et reste empêtré dans des écheveaux administratifs et la bureaucratie. Ainsi, le tourisme local est pénalisé faute d'une conception de fond qui le mettrait sur rail. La population s'interroge toujours sur le rôle de l'office du tourisme local qui ne s'occupe que du traitement des dossiers d'agences de voyages et du recensement des visiteurs à travers les bilans livrés par les hôtels.Mais ces chiffres ne seront jamais pris en compte et exploités à bon escient pour tenter de trouver une formule qui permettrait de multiplier le nombre de visiteurs et, par conséquent, contribuer à la consolidation de l'économie locale. Le retard accusé en matière du tourisme incombe non seulement à l'administration mais aussi aux différentes associations qui ne se soucient guère de la promotion de l'image de la cité. La ville de Constantine renferme autant d'empreintes historiques et notamment identitaires qui, si elles étaient bien proposées, la feraient sortir de sa solitude, l'aideraient à s'ouvrir davantage et, surtout, lui permettraient de s'émanciper de ce carcan de mentalités «révolues» qui ne voient en Constantine qu'une vieille carte postale qui leur tirerait un «ya hasrah… (hélas)» nostalgique.Si l'on excepte les actions des Amis du musée et autres initiatives isolées, à l'image de celle de Beni H'midane, qui veille sur le site Tidis, il serait impossible d'attribuer des «fleurs» pour de bonnes actions en direction du patrimoine, de la culture ou du tourisme culturel. Les défenseurs des acquis civilisationnels se comptent sur le bout des doigts. «Toute cette richesse patrimoniale est mal exploitée à Constantine !» disent-t-ils avec dépit. Le constat devient franchement déplorable quand les concernés du secteur l'attestent également sans réagir. Seul le musée active dans ce domaine. Il constitue un pôle vers lequel convergent les rares visiteurs de Constantine qui s'intéressent à la culture. Il a réussi à se faire une place sur la scène parce que sa direction a compris l'utilité et l'importance du travail extra-muros et de la collaboration. Le musée n'hésite pas à s'appuyer sur les associations pour mieux faire connaître ses activités et ses collections. Le patrimoine requiert des structures d'accueil Sous un autre angle, il faut souligner qu'à Constantine le touriste sera confronté à un manque flagrant de structures d'accueil. Des visiteurs de la capitale avancent qu'Alger en manque énormément. Que dire de la capitale de l'est qui n'a pour héberger ses rares touristes et autres passagers que deux hôtels, Cirta et Panoramic ? A vrai dire, la disproportion entre le projet touristique, s'il en existe, et les structures et programmes nécessaires pour sa concrétisation est de taille. D'un côté, Constantine renferme en son sein d'innombrables empreintes, traces et vestiges patrimoniaux et de l'autre elle «repousse» les hôtes faute de structures adéquates. C'est le grand déficit, contrairement à Alger et Oran qui disposent d'hôtels de différentes catégories, la capitale de l'Est n'en a que deux. Pourquoi ? Seuls les décideurs et les investisseurs peuvent le dire... Le seul hôtel en chantier bat de l'aile. Quant au «5 étoiles» qui devait être érigé près de Aïn Smara, il demeure au stade de projet. Le propriétaire semble être confronté à un problème de crédits. On parle d'autres projets de différentes chaînes hôtelières qui seraient lancés prochainement. Mais on ne voit rien arriver pour l'heure. Et quand bien même ça se confirmerait, cela ne suffirait pas pour une cité en pleine métamorphose qui aspire à devenir une mégalopole. Le tourisme à Constantine reste un problème entier et son essor une question sans réponse.