De notre correspondant à Constantine Nasser Hannachi Lorsque les pouvoirs publics locaux accouchent de suggestions sur la préservation du patrimoine à Constantine, tout l'hémicycle approuve l'option mais sans suivre la procédure. Lorsque le bulldozer aura «agressé» le tombeau de Massinissa au Khroub par méconnaissance de la valeur patrimoniale du monument, les offices culturels et même ceux relevant de l'urbanisme ont digéré cette grosse bévue humaine sans grande explication au grand dam des siècles 'histoire. Et ce n'est là qu'un exemple de la prise en charge des richesses patrimoniales qui en dit long sur la réalité. Constantine, la cité millénaire, a subi beaucoup d'altérations et aucune politique digne de ce nom visant à préserver, mettre en valeur et exploiter le site n'a encore été mise en place par les responsables du secteur, occupés à «alimenter» la culture conjoncturelle et se détournant de tout ce qui n'a pas le cachet officiel. Ils ne feront point de suggestions, ne prendront aucune initiative qui pourrait déplaire à la tutelle. Ils préfèrent pécher par excès de zèle quitte à être accusés de passivité par la suite plutôt que d'être rappelés à l'ordre pour avoir osé suggérer une action ou une opération ne cadrant pas avec la politique, si politique il y a, urbaine ou culturelle. «Ils ont voulu éradiquer toute trace des Français, mais, en fait, ils ont dénaturé la ville en confondant histoire, colonialisme et culture», dira un vieux briscard qui aura côtoyé la cité millénaire avant sa métamorphose architecturale et urbanistique. Cette appréciation est d'ailleurs réitérée à chaque fois par le restaurateur du palais du Bey qui estime que le site a été dégarni de beaucoup de traces. «On a voulu enlever toute empreinte coloniale, ce qui n'a pas été sans conséquence sur quelques couches d'histoire», soutient-il. Par ailleurs, on n'évoquera jamais assez le massacre dont a été victime la vieille ville. Et si les restaurations sont engagées actuellement, il n'en demeure pas moins que quelques bâtisses continuent de subir des transformations à l'intérieur. Comme si le cachet architectural ne concernait que la seule apparence extérieure des bâtisses. Constantine offre aujourd'hui un contraste pour le moins hétéroclite. Cela dit, à force de trop vouloir se lifter, Cirta se dépossède de son identité, se dénude et perd le cachet qui la caractérisait depuis des siècles. On n'en garde que le panorama des ponts et le monument aux morts qui reprennent leur droit de cité au crépuscule. Sinon, on peut toujours se rabattre sur le théâtre régional pour se remémorer le casino communal détruit et son ersatz qui aurait pu être une œuvre architecturale de haute facture.Pourtant, sur le papier il existe beaucoup d'associations qui se disent soucieuses des valeurs ancestrales et du patrimoine matériel et immatériel de la médina. Mais à l'exception de celle qui s'occupe du musée local et de celle du CRI pluridisciplinaire, les autres ne semblent pas partager des préoccupations communes quant à la préservation du patrimoine, au sens large du terme. Elles ne se manifestent qu'à de rares occasions, plus pour «mériter» les subventions qui pourraient être données que pour apporter leur pierre à l'édifice en ruine. En fait, ce sont des traitements sommaires que l'on prodigue à Constantine pour qu'elle garde ce qui lui reste comme témoin de son passé millénaire. «Il faut voir l'évolution mondiale et l'appliquer, du moins partiellement, à cette ville. Inutile de seriner l'histoire composée de Constantine. Fini le triptyque qui présentait cette cité comme celle du savoir, des arts et de la culture», dira un citoyen. Il va sans dire que le passage à l'action pour garder intact le patrimoine demeure le seul garant de la pérennité de l'histoire. Même si la restauration des sites et onuments prend du temps en raison de la complexité de la tâche, il faut garder à l'esprit que ce processus est caractéristique de toutes les grandes métropoles du monde, diront des experts espagnols qui ont donné de leur savoir pour la restauration du vieux bâti. Evoquer les richesses patrimoniales à Constantine passe forcément par la préservation, en premier lieu, de la médina qui doit devenir le carrefour, le point de convergence, le cœur battant de la ville. «C'est la ichesse par excellence que l'on doit préserver et on doit faire barrage aux opportunistes qui continuent de troquer des espaces», martèle un habitant. Dans ce contexte, il faut savoir qu'une commission mixte devait inspecter les bâtisses ayant subi des transformations de leur intérieur. Pour l'heure, aucun constat n'est venu rendre compte de l'opération ni des actions devant être entreprises pour arrêter le massacre. En somme, la médina grouille de commerces et de maisons qui sont en totale désharmonie avec son architecture…