Il est vrai que l'ennui, l'absence d'espace pour se détendre, le manque de perspectives d'avenir sont des réalités quotidiennes pour un grand nombre de jeunes Algériens mais il existe bon nombre de jeunes pour qui ces mots sont presque étranges. L'ennui, la passivité et le laisser-aller, ils ne connaissent pas. Leur «truc» à eux, c'est l'énergie constructive, l'optimisme et la ténacité pour un seul but, le grand départ. Mais attention, on ne parle pas de la harga, dont la presse se fait l'écho funeste à chaque édition. Il s'agit ici des milliers de jeunes qui montent des projets d'études pour s'installer dans d'autres pays. On parle donc d'émigration non clandestine. Des jeunes qui ont leur bac en poche, ou mieux, et plus nombreux, un premier diplôme, de licence ou d'ingéniorat arraché après 4 à 5 années d'études, acharnées pour certains ! Ils s'inscrivent dans des universités étrangères, le plus souvent françaises pour des masters. Mais alors pourquoi font-ils tout pour partir ? Pour poursuivre vraiment leurs études ou pour d'autres raisons ? Eh bien, à les écouter répondre à cette question, c'est justement pour fuir l'ennui qui les guette dans l'Algérois comme dans les autres villes du pays qu'ils décident de tenter l'aventure. Un ennui trop désespérant pour des jeunes souvent avides de toutes les découvertes. «Je termine ma licence d'interprétariat cette année, je compte m'inscrire en master communication et média à Paris pour septembre prochain. La spécialisation m'a poussée à faire ce choix mais pas seulement ! J'ai envie d'une autre vie, plus de liberté, plus de loisirs, des découvertes, de l'ouverture ! Alger, ce n'est pas évident ! Rien que pour faire du sport, c'est toute une histoire d'argent et de transport alors qu'à l'étranger les loisirs sont accessibles et la liberté une réalité !» explique avec conviction Amina, 23 ans. Ali, 25 ans, rêve lui aussi de découvertes et de liberté mais, s'il a entrepris des démarches depuis l'an dernier pour rejoindre une université à Lyon, c'est pour une tout autre raison : «Je suis à Lyon depuis presque deux mois, confie–t-il, je commence à m'adapter, ce n'est pas toujours facile mais je me répète sans cesse que je n'avais pas le choix. Si je n'avais pas quitté Alger, j'aurais été obligé de passer le service militaire !» Selma, elle, s'ennuie aussi mais, si elle a choisi de poursuivre ses études au Canada, ce n'est pas pour fuir l'ennui, même s'il est bien réel, dit-elle. Elle pense plutôt à son avenir professionnel. «J'ai fait des études en pharmacie, et je n'ai pas envie de finir comme déléguée médicale pour bien gagner ma vie ou galérer pendant des années pour pouvoir m'installer à mon compte. Je vais plutôt rejoindre mon oncle qui, après seulement quelques années de travail au Canada, s'est acheté une maison !» s'exclame-t-elle. A chacun ses arguments et ses raisons pour consacrer son temps libre pendant un an et parfois plus à ses démarches de départ. Et même si tous ne s'accordent pas à dire que c'est l'ennui et l'absence de loisirs et d'espace de détente qui les font fuir. Si ces derniers n'étaient pas aussi présents dans le quotidien algérien, ces jeunes débordant d'énergie et d'ambitions y réfléchiraient peut-être à deux fois avant de penser à partir. F. B.