Le Roi du Maroc, Mohamed VI, a fait encore des siennes, vendredi soir. A l'occasion d'un discours à la nation, le souverain marocain s'est attaqué, de manière peu amène et en des termes parfois belliqueux, à l'Algérie, accusée d'attenter à l'intégrité territoriale de son pays. Et par «intégrité territoriale», le souverain alaouite désigne, naturellement, la question du Sahara occidental. Il est vrai que le discours royal a été prononcé à l'occasion de la célébration de la fameuse «marche verte», à travers laquelle le l'ancien roi du Maroc, Hassan II, avait annexé les territoires du Sahara occidental, en novembre 1975. Et comme le malheur de ne pouvoir faire passer le «plan d'autonomie», ne vient pas seul, le souverain marocain est confronté à de multiples accusations concernant des atteintes aux droits de l'Homme suite à l'arrestation brutale de sept activistes sahraouis des droits de l'Homme. Nous sommes donc loin des discours flatteurs qui demandaient, il y a seulement quelques semaines, l'ouverture des frontières avec l'Algérie. Le temps n'est plus à l'apaisement, mais à l'escalade. En se montrant aussi virulent dans son discours, le roi du Maroc, qui tente ainsi de faire une pression supplémentaire sur les instances internationales, sait pertinemment que cela n'arrangerait en rien une situation déjà trop compliquée. Il a préféré le langage de la guerre à celui de la paix. Il a laissé s'exprimer le cœur au détriment de la raison qui doit l'emporter lorsqu'on est à ce niveau de responsabilité. Ceci n'est pas une leçon de morale. C'est juste le constat que les responsables marocains ne cherchent pas réellement la paix. Bien au contraire. Puisque au lieu de s'affairer à détendre l'atmosphère et à jouer sur le terrain diplomatique qui sied à ce genre de conflits (d'autant que la question sahraouie est répertoriée par les instances internationales comme un problème de décolonisation), les responsables de Rabat virent sur le terrain de l'intrigue et des phrases assassines. Dans l'impossibilité de pousser l'Algérie à se déclarer «partie du conflit», le roi du Maroc fait recours, à présent, à la surenchère. Pas seulement vis-à-vis des Sahraouis, y compris ceux qui s'affichent comme indépendantistes convaincus, qualifiés de «traîtres», mais aussi par rapport à l'Algérie accusée d'alimenter, selon les propos du roi, «un conflit artificiel». En des termes simples, le discours de Mohammed VI est décourageant, à plus d'un titre. Il l'est parce que, tout d'abord, il remet en cause toutes les avancées diplomatiques enregistrées par la cause sahraouie qui, avec l'aide de l'ONU et des pays qui croient toujours à cet idéal de liberté pour tous les peuples, a fait des pas de géant vers l'indépendance. Il est désespérant, ensuite, en ce qu'il représente comme une menace sur la stabilité politique de la région, mais essentiellement sur les relations entre l'Algérie et le Maroc. Parce que, après d'intenses efforts de dégel des relations bilatérales, Mohammed IV a réussi l'exploit de remettre à plat et de noircir tous les tableaux blancs de la région. Autrement dit, le roi du Maroc a raté sa sortie. A. B.