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Des Algériens lynchés sous l'œil bienveillant des services de sécurité égyptiens
Arrivée hier soir à l'aéroport d'Alger de jeunes supporters en provenance du Caire
Publié dans La Tribune le 17 - 11 - 2009


Photo : Sahel
Reportage réalisé par Lyes Menacer
Mêlés aux familles qui accompagnaient leurs proches devant se rendre aux Lieux saints de l'islam, des supporters, reconnaissables à leurs tenues bariolées aux couleurs du drapeau national algérien, attendaient en silence l'arrivée de l'avion d'Air Algérie en provenance de l'enfer égyptien, Le Caire. Ces jeunes
s'échangeaient images et vidéos des scènes de lynchage dont ont été victimes les nombreux supporters algériens qui se sont déplacés au pays des Pharaons afin d'appuyer les poulains de Saadane contre l'équipe égyptienne au Cairo Stadium samedi dernier. L'arrivée de l'avion était prévue à vingt-deux heures mais le vol avait été finalement retardé d'une heure. En attendant, les responsables de l'aéroport international d'Alger, épaulés par des policiers au bord de l'épuisement, tentaient d'organiser le départ des derniers hadjis qui prenaient des photos souvenir avec leurs familles avant leur envol vers les Lieux saints pour accomplir le rite du pèlerinage. Aux environs de vingt et une heures, cinq ambulances de la Protection civile arrivent en file indienne, laissant croire
à la présence de dépouilles funéraires parmi les derniers supporters qui avaient été agressés à la fin de la rencontre Egypte-Algérie. Les policiers étaient sur le qui-vive, ne laissant personne franchir la barrière de sécurité qui servait de lieu de passage uniquement pour les pèlerins et leurs accompagnateurs. A l'autre bout de l'aéroport, trois avions avaient fait le plein de kérosène et de voyageurs, et n'attendaient que l'autorisation de décoller en direction de Khartoum où se jouera le match barrage entre l'Egypte et notre équipe nationale. Des groupes de cinq, de dix, parfois même de vingt jeunes, munis de leurs passeports et du billet d'avion, continuaient d'affluer vers l'aéroport international d'Alger à pied ou en voiture.
Des jeunes déterminés
Il a fallu faire appel à des renforts de forces antiémeutes pour canaliser les supporters qui voulaient exprimer leur attachement à leur pays et à leur équipe nationale de football. Interrogé sur l'éventuelle arrivée de présumés cercueils lors de précédents vols en provenance de l'enfer cairote, un employé d'Air Algérie oriente la presse vers la morgue de l'aéroport. Mais les portes de la morgue étaient fermées et les lumières éteintes comme si les lieux étaient désertés depuis longtemps. Aux alentours, de nouvelles vagues de jeunes arrivaient sur les lieux en scandant : «one, two, three, viva l'Algérie !», «Saadane, nous sommes en route pour Khartoum !». Des voitures stationnées sur les parkings fusaient des chansons dédiées à la gloire des Fennecs que les défilés de l'après-match avaient encouragés malgré leur défaite par deux buts à zéro avec l'équipe égyptienne. Retour à l'ancienne aérogare d'Alger.
La tension était montée d'un cran avec l'arrivée d'autres policiers pour dégager le passage aux supporters et aux cinq ambulances. Les familles des hadjis étaient déjà parties, laissant les supporters seuls, silencieux et de plus en plus inquiets pour le retard qu'a pris l'avion pour atterrir.
Les policiers ont reçu l'ordre de ne laisser personne dépasser les barrières métalliques qui ont été installées à environ une centaine de mètres des portes de l'ancienne aérogare afin d'éviter tout débordement. Le climat d'inquiétude amplifiait à mesure que les minutes s'égrenaient, faisant penser à un nombre de morts supérieur à celui colporté par la rumeur publique au cours de la journée. L'ambiance devenait de plus en plus glaciale bien qu'il faisait chaud. Le son des moteurs des avions de l'autre côté du mur devenait presque insignifiant devant l'image figée de cette poignée de jeunes Algériens qui regardaient dans la même direction et qui n'espéraient qu'une chose : voir leurs proches et amis rentrer au pays bon pied bon œil, sains et saufs. Soudainement, un groupe de jeunes femmes et une vieille, venue attendre son fils, brisa avec des youyous stridents l'ambiance funèbre qui a crispé les regards pendant presque une heure et demie. Les visages reprirent leurs sourires.
Les jeunes supporters, d'une seule voix, entonnèrent les tubes qui ont marqué la chanson sportive depuis le début des éliminatoires au Mondial 2010. Les drapeaux algériens flottent dans l'air sous le regard impressionné des policiers qui avaient presque envie de se joindre à cette fête nocturne improvisée.
L'enfer du Caire
Il était vingt-deux heures quarante-cinq minutes lorsque la nouvelle de l'atterrissage de l'appareil transportant les supporters en provenance du Caire se répandit comme une trainée de poudre dans tout l'aéroport. Commença alors une longue attente de voir les premiers arrivés que l'intense présence policière n'avait pas laissé entrevoir à une centaine de mètres du lieu du rassemblement. Les ambulanciers allumèrent les feux de détresse et se montrèrent prêts à transporter les éventuels blessés graves, peut-être même les cercueils qu'aucun des voyageur n'avait vu embarquer dans la soute à bagages de leur avion. Les membres de l'équipage, affrété d'Italie, avaient quitté les lieux depuis vingt minutes mais nulle trace des voyageurs qu'ils avaient embarqués à bord de leur appareil. Ce n'est qu'à vingt-trois heures trente que les premiers supporters furent autorisés à récupérer leurs bagages. Traumatisés par ce qu'ils ont vécu durant trois jours et deux nuits en Egypte, ils se contentèrent de dire : «Les Egyptiens sont pire que les sionistes… Ce sont des bêtes sauvages, des chiens que le pouvoir de Moubarak a lâchés sur nous pour nous massacrer. Leurs services de sécurité nous ont conduits dans des tunnels où des supporters
égyptiens nous attendaient dans l'obscurité avec des pierres et des sabres...». Les versions des faits se suivent mais ne se ressemblent pas. En revanche, l'atrocité et la sauvagerie des Egyptiens, qu'ils soient supporters ou faisant partie des moukhabarat (services de renseignement), était la même. Parfois, les actes d'agression commis à l'encontre des Algériens dépassent la fiction, à entendre certains témoins qui avaient perdu la voix. A les écouter attentivement, on comprendra qu'ils ne sont pas prêts à d'oublier le séjour duquel ils revenaient. Fort heureusement, aucune dépouille ne se trouvait dans l'avion qui les a récupérés du Caire après avoir assuré le transport des hadjis algériens. La foule de supporters ne s'est dispersée qu'à une heure du matin.
Pour ceux qui n'avaient pas de véhicules, ils étaient contraints de passer le restant de la nuit dans l'enceinte de l'aéroport d'Alger en faisant remarquer
la défaillance des représentants algériens en Egypte quant à la prise en charge des nombreux supporters qui ont été agressés. Mais le pire, ont-ils affirmé, c'est le sort réservé aux dizaines de supporters qui se sont égarés dans les dangereux quartiers de la capitale égyptienne et le nombre inconnu d'Algériens arrêtés par la police cairote.


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