De l'émotion et de la fierté, il y en avait jeudi après-midi au salon d'honneur de l'aéroport international Houari Boumediene d'Alger, à l'arrivée de l'équipe nationale en provenance de Khartoum (Soudan), où elle a arraché la veille, avec courage et détermination, le billet de la qualification au Mondial de 2010 en Afrique du Sud. Des personnalités issues du monde politique, sportif et artistique sont venues témoigner leur reconnaissance et leur joie de partager cette victoire contre les Pharaons. Dehors, aux alentours de l'aéroport, dans les rues d'Alger et des autres wilayas du pays, des millions d'Algériens continuent de défiler dans la rue. Sur le parcours de l'équipe nationale entre l'aéroport et le palais du Peuple, au centre d'Alger, il y avait environ un million d'Algériens, tous contents que l'Algérie puisse participer à la troisième Coupe du monde depuis son indépendance en 1962. Routes bloquées par les supporters, embouteillages monstres sur les axes menant à l'aéroport international Houari Boumediene d'Alger et des policiers presque dépassés par le déferlement des foules voulant accueillir Raouraoua, Saadane et les héros du stade de Khartoum qui ont fait pleurer 80 millions d'Egyptiens mercredi soir. Dès la matinée, des supporters munis de leurs banderoles et de l'emblème national se sont dirigés vers l'aéroport pour accueillir l'équipe nationale. Le rouge, le vert et le blanc flottaient dans les airs, sur les toits des voitures, les façades des immeubles et les arbres. Les jeunes supporters qui étaient de retour de Khartoum ont préféré rester pour assister au défilé qui allait être organisé de l'aéroport jusqu'au palais du Peuple où le président de la République Abdelaziz Bouteflika devait recevoir «ses» hôtes autour d'un dîner en leur honneur. A l'intérieur du salon d'honneur, des officiels mais aussi des artistes et d'anciens joueurs ont tenu à assister à la fête. De Hamid Baroudi qui est rentré d'Allemagne à Abdelhafid Tasfaout, en passant par Zehouania, tous ont attendu pendant plus de six heures l'atterrissage du Boeing d'Air Algérie à Alger. La presse avait dépêché ses journalistes et photographes pour immortaliser ce moment historique. Dans la cour du salon d'honneur, trois bus et camions étaient auréolés des couleurs de l'emblème national. C'est du haut de ces bus que les joueurs ont salué les milliers d'Algériens qui avaient fait des dizaines de kilomètres à pied pour assister à ce moment inouï, semblable à bien des égards à ceux vécu au lendemain de l'indépendance de notre pays en 1962. Au milieu de cette longue attente, le chargé des affaires à l'ambassade de l'Afrique du Sud à Alger, Kaya Somgqeza, a tenu un point de presse où il a félicité l'Algérie pour cette victoire qui lui a permis de participer à la centième Coupe du monde qu'organise la Fédération internationale du football (FIFA) depuis sa création en 1898 (voir encadré). La conférence terminée, les regards se sont tournés vers les représentants de la présidence de la République pour connaître l'heure d'arrivée de l'équipe nationale à Alger. L'atterrissage de l'avion qui avait été annoncé pour quinze heures a finalement eu lieu à 16h47 minutes. La presse avait profité de ce moment d'attente pour interviewer les artistes et les joueurs sur place. Les radios et télévisions étrangères ont enregistré et transmis en direct les impressions des uns et des autres sur cette victoire méritée des Fennecs. Quelques minutes avant l'arrivée de l'EN, la troupe polyphonique de la Garde républicaine avait mis davantage d'ambiance dans la cour du salon d'honneur. Au loin, des jeunes chantaient «one, two, three, viva l'Algérie», «djeich, chaab, maak ya Saadane», «maak ya al khadra, diri hala», etc. malgré le retard enregistré par la délégation algérienne en provenance de Khartoum, personne n'a perdu patience. Certains sont restés sans boire ni manger pendant toute la journée au point que des dizaines de jeunes adolescents se sont évanouis, comme cela se passe à chaque fois qu'il y a mouvement de foule. Les services de sécurité, qu'ils soient gendarmes ou policiers, ont eu beaucoup de mal à contenir des jeunes qui continuaient d'affluer, sur des fourgons, des camionnettes de fruits et légumes et des bennes de semi-remorques. Autre fait remarquable sur l'autoroute et les abords de l'aéroport : des familles entières ont fait partie du comité d'accueil, formé par ces milliers d'Algériens qui avaient suscité l'admiration et le respect du monde entier par la manière dont ils ont accompagné leur équipe sans relâche depuis des semaines. Vint enfin le moment qu'attendaient tous, à savoir l'arrivée des joueurs, accompagnés par Raouraoua, le premier à sortir de l'avion d'Air Algérie à 16h47. Les personnes présentes avaient retenu leur souffle avant de crier spontanément et d'une seule voix : «One, two, three, viva l'Algérie», en tapant des mains en guise de félicitation pour le courage et l'exploit de leurs ambassadeurs, respectivement au Caire et à Khartoum. C'est le représentant personnel du président de la République, Abdelaziz Belkhadem qui accueillera les bras ouverts Mohamed Raouraoua à la descente de l'avion. Les joueurs ont eu droit chacun à un bouquet de fleurs et des applaudissements. Ils avaient l'air fatigué après un long voyage de presque cinq heures mais ils étaient joyeux et contents d'avoir accompli leur mission et d'avoir été derrière la joie de 35 millions de leurs compatriotes. Les joueurs étaient émus de voir la troupe polyphonique de la Garde présidentielle les accueillir comme on accueille des héros de retour de la guerre. Car il faut dire que les joueurs de l'équipe algérienne qui pensaient partir en Egypte jouer au football, ont été surpris de voir qu'ils allaient faire face à véritable guerre lancée par un pouvoir égyptien qui était prêt au meurtre pour sauver le régime finissant de Hosni Moubarak. Le summum de la joie a été atteint lors de la parade organisée entre l'aéroport et le palais du Peuple. Des centaines de millions d'Algériens ont accompagné leurs héros sur des dizaines de kilomètres pour les remercier et leur exprimer leur soutien et leur disponibilité à les accompagner jusqu'au bout de leur exploit. Le cortège de l'équipe nationale a mis plus de trois heures pour arriver à destination et a été bloqué pendant plusieurs minutes au niveau des Pins Maritimes et du rond-point du Premier Mai où la foule baignait dans une folle joie. Les balcons et les toits des immeubles étaient noirs de monde. Les services de sécurité s'étaient mis à l'écart, laissant les jeunes organiser et canaliser la population et maîtriser ceux qui oseraient s'en prendre aux familles et aux jeunes filles qui étaient de la fête. La délégation de l'équipe nationale n'a pu rejoindre le palais du Peuple qu'à vingt heures. Elle a été accueillie par le président de la République qui les a invités à un dîner durant lequel il les a assurés de son soutien, surtout moral, pour les jours, les semaines et les mois à venir. Pour terminer la soirée, il a pris une photo de famille avec eux avant de les laisser partir se reposer après une semaine plus que fatigante. Les Algériens, dans la rue, ont poursuivi leurs manifestations jusque tard dans la nuit, avec la promesse de continuer la fête pendant toute la semaine. L. M.