L'ouverture de l'année universitaire par le président de la République, à Sétif, a été éclipsée, hélas, dans de nombreux journaux par une rencontre de football. Erreur dans le timing, négligence ou fonctionnement routinier ? Peu importe. Le second «opium du peuple» relègue l'université en pages intérieures car, si le foot fait rêver, fait vendre du papier, l'antre du savoir, de la science où se dessine l'avenir n'a pas toujours bonne presse. A la base, il y a le conflit à répétition qui oppose le ministère de l'Education nationale à des syndicats d'enseignants, à des comités de lycéens, à travers des grèves dont les bilans seront lourds en fin d'année scolaire. Une grève d'enseignants, dans les pays où la raison, la sagesse et l'intérêt général sont aux commandes, ne se mesure ni au nombre de grévistes ni aux pourcentages de non-grévistes par région ou par établissement. Ces calculs de petite épicerie ne renvoient pas aux dures lois d'une grève ni aux nombreux dommages collatéraux sur le long terme. Une grève d'éducateurs, s'il faut absolument quantifier les choses, ce sont d'abord le nombre d'élèves qui ratent des cours, le volume horaire d'un programme qu'il faudra bien boucler, la «quantité» de parents qui stressent, qui ne savent pas s'il faut envoyer ou non leur progéniture chercher du savoir, des connaissances pour un avenir meilleur que celui de leurs parents et, si possible, de leurs professeurs. Dans un conflit, il y a forcément plusieurs acteurs, des dégâts, des victimes parmi lesquelles ne figurent ni un ministre ni ses adjoints qui exécutent une politique, des décisions, bonnes ou mauvaises.Dans le cas d'espèce, sachant l'importance de l'école dans une mondialisation qui place à la direction du monde les pays qui ont la meilleure école, privée et publique, les meilleures universités et les plus performants centres de recherche et d'innovation, le ministère de l'Education a plus de responsabilités que quiconque. M. Benbouzid n'est ni plus ni moins intelligent que les élites algériennes, seulement il est responsable.Il est le mieux placé pour apprécier la légitimité d'un syndicat ou d'une association de parents d'élèves. Ces structures sont composées d'Algériens à part entière. Elles sont connues des administrations avec lesquelles elles collaborent. Elles ne sont pas dirigées par des terroristes dans la clandestinité et fréquentent chaque jour les élèves, les parents et divers centres de la décision politique, administrative et financière. Une table ronde avec ces Algériens, qui prendrait un jour ou deux, serait sûrement plus pertinente et fertile comparée à ces images de policiers, la matraque en l'air, d'élèves en vadrouille aux abords de leur établissement… La première victime est sans conteste, après les élèves, la police et l'image qu'elle offre à son corps défendant à la société qui ne comprend pas que les maîtres soient réprimés, eux qui sont loin d'avoir le pouvoir d'achat d'un parlementaire, souvent absent, mais qui pérore loin des transports que prend l'enseignant.Le système éducatif algérien, dans un monde sans pitié pour les pays retardataires, a besoin de réformes radicales, de relations apaisées, dans le respect de chacun, de dialogue permanent et de l'implication recherchée et organisée des syndicats, des parents, des élèves –oui, des élèves qui sont l'avenir-, des administrations concernées, des médias lourds. L'objectif serait que la grève devienne une rare exception et que le débat et la négociation (le mot n'est pas tabou) remplacent la police, le tribunal et la ponction sur des salaires de misère, comparés à ceux d'une pléthore de «rois fainéants» dont personne ne connaît l'utilité pour l'avenir du pays. Si une grève et des affrontements doivent en cacher d'autres, à l'infini, l'école est mal partie pour arriver nulle part, et les générations futures avec. A. B.