Photo : M. Hacène Par Hassan Gherab Une trentaine de chansons ont été produites en un temps record pour encourager les Verts et glorifier l'Algérie. Et les CD se vendaient comme des petits pains. On en trouvait partout, chez les disquaires, évidemment, sur les étals qui vendaient maillots, casquettes, banderoles, brassards et écharpes aux couleurs de l'emblème national ainsi que dans la rue, où des jeunes, slalomant entre les véhicules, en proposaient à tous les passants. Sur les ondes des différentes chaînes, ces chansons tournaient en boucle alors qu'à la télévision les clips s'enchaînaient. Des infographistes ont réussi des prouesses et balançaient sur la Toile des montages qui ont fait pâlir de jalousie plus d'un. Certaines images ont même illustré la une de quelques journaux. Les vidéastes se sont également mis de la partie et y sont allés avec des montages hilarants sur des séquences de films dans lesquels on voit des acteurs américains se rire des Egyptiens, en arabe dialectal. Cela sans parler des fanfares qui accompagnent les joueurs à chaque rencontre. Sur le plan strictement et académiquement artistique, les créations, musicales notamment, péchaient par un manque de rigueur dans les compositions. Mais peu importe le contenant, pourvu qu'on ait l'ivresse, dirions-nous. Car, l'objectif premier de ces créations artistiques n'était nullement de figurer au Top 50, au box-office ou dans un quelconque classement. Leur action est purement sociale. Elles illustraient le désir de voir l'équipe nationale, le pays et le drapeau hissés aux sommets. Aussi les artistes et créateurs ont-ils mis tous leur génie dans la galvanisation des foules et des joueurs, en piquant au passage l'adversaire, avec humour, faut-il le préciser. Les artistes algériens ont, en fait, «exploité» le foot, la discipline rassembleuse par excellence, pour rallier et unir les jeunes autour de l'équipe nationale. Ils ont travaillé pour la cohésion sociale, et ont réussi, au-delà de ce qu'on attendait, à la concrétiser comme les responsables ne l'ont pas fait. Ils ont fait œuvre d'utilité publique. Les arts n'ont été que le liant pour ces foules de jeunes vivant dans une société où les liens sociaux se sont effilochés. C'est sans doute là la grande leçon que les responsables, à tous les niveaux, devraient tirer : les citoyens aiment voir leur pays victorieux. Ce n'est d'ailleurs pas par hasard qu'on a comparé l'explosion de joie des Algériens après les victoires de l'EN, notamment contre l'Egypte, à celle de l'indépendance du pays. Autrement dit, les jeunes ont montré qu'ils pouvaient être unis autour d'un rêve, d'un idéal : «L'Algérie qui gagne», comme l'a si justement dit le ministre de l'Intérieur. Il suffit donc de leur offrir cette Algérie dont ils rêvent, victorieuse et faisant le bonheur de ses enfants, pas en foot seulement. Certains responsables ont compris tout le bénéfice que le pays et la société pourraient tirer de cet élan s'il était capitalisé. Il s'agira maintenant d'y travailler, sans aller jusqu'à «politiser» le sport ou la culture. L'exemple des Egyptiens est là pour nous dire les résultats de telles manœuvres et manipulations.