De notre correspondant à Tizi Ouzou Lakhdar Siad Zayen se produira demain à la maison de la culture Mouloud Mammeri après une absence de 14 ans de la scène kabyle et algérienne. La nouvelle idole de la pop kabyle avoue, à propos de ce «break» forcé, ne pas savoir d'ailleurs «comment trouver mon public» ; lui qui a pourtant commencé sa carrière, chez lui, en haute Kabylie, il y a plus d'une décennie, et offert toujours des morceaux de rêve à son public à intervalles plus ou moins réguliers même en étant expatrié. Son exil est plein d'événements artistiques qui ont construit petit à petit son nom jusqu'à son dernier album à fortes strates universelles Baden-Baden sorti en 2008 qui le hissera plus haut qu'il ne s'y attendait sur le podium des artistes de renom. Avant, il avait agréablement occupé beaucoup de scènes de spectacles dans plusieurs pays d'Europe, notamment en France, au Zénith de Paris, à l'occasion du 20e anniversaire du Printemps amazigh en 2000, au palais des Sports de Paris, à Saint-Etienne, Lyon, Lille, Roubaix, à la fête de l'Humanité, au Festival des musiques du monde à Stains et au Festival d'ici et d'ailleurs à Strasbourg, à Marseille et à Beauvais. Zayen représentera aussi la France à Tanger au Maroc dans le cadre du spectacle «Tous égaux pour la paix» et en Turquie. Zayen, l'enfant de Lemsella (Illoulen Oumalou) composera très jeune des chants et fera déjà parler de lui dans les lycées de Tizi Ouzou et d'Azazga en Grande Kabylie avant de s'essayer en studio et d'enregistrer son premier album Imawlanis (ses parents) en 1994 sa première juste note de cette ampleur dans son parcours auprès de son public qui commencera à s'agrandir et à l'adopter de plus en plus. A partir de ce premier succès presque surprise, il fera plusieurs passages à la télévision algérienne et se produira dans différents festivals en Algérie. En 2002, il fera encore merveilleusement exception avec l'album Oughaled (reviens) aux sonorités déjà trempées dans le bain du travail professionnel. Tendances généreuses qu'il confirmera dans Baden-Baden qui brassera des cultures musicales aussi riches que diverses, le tout nourri aux variantes thématique et rythmique de sa Kabylie et à l'amour du genre local, repère de départ et fil conducteur d'une carrière qui promet encore de belles productions. Baden-Baden, le poème est l'histoire qui ressemble par quelques-uns de ses aspects à un conte kabyle (tamachahutt). Il s'agit d'un jeune Kabyle enrôlé pendant la Seconde Guerre mondiale (1939-1945) par la France coloniale dans la Légion étrangère et envoyé à son quartier général de Baden-Baden situé en Allemagne. Pendant ses rares heures de liberté, il vagabonde sur les routes et rencontre, lors d'une halte pas comme les autres, une Européenne dont il tombera fou amoureux. Sa vie se métamorphose. Il déserte plus souvent pour voir sa dulcinée, il deviendra un noceur incorrigible, au grand dam de sa hiérarchie militaire engagée contre le nazisme. De retour en Kabylie, il raconte sa passion romanesque à un vieux occupé à arracher des feuilles d'eucalyptus. Séduit par ce témoignage sur Baden-Baden, qu'il trouve magnifique, le vieux, envoûté, abandonne sa terre natale et entame un voyage en bateau vers Baden-Baden. Le vieux Kabyle, épris par la seule description du site allemand, décédera de vieillesse avant d'atteindre Baden-Baden. «Je ne trouve pas malheureuse la fin de cette histoire puisque le vieux est mort avec un rêve dans sa tête», commente Zayen qui promet ce mardi 1er décembre «une agréable après-midi avec des chansons douces et d'autres rythmées pour danser ; ce sera aussi l'occasion de dire au public que j'existais bien avant Baden-Baden, que j'ai chanté un peu partout ici et en Europe en lui proposant une sorte de compilation de tous mes albums», ajoute-t-il. Zayen a invité à son spectacle, durant lequel il se fera accompagner par six musiciens, trois autres artistes qu'il aime, à savoir Djaffar Aït Menguellet, Belaid Branis et Haddad Fatah. «Il est possible qu'on interprète une chanson à quatre», suggère le créateur, par ailleurs, du Festival «La scène ensemble» à Aubervilliers (France) et de l'association les artistes des couleurs et de la diversité. Zayen sera, d'autre part, présent «avec une partie de mes musiciens» au Festival du film amazigh prévu du 20 au 25 mars 2011 à Tizi Ouzou. Comme il produira au mois de mai 2011 une compilation d'une douzaine de ses titres. Le clip Baden-Baden, tourné en Kabylie, en France et en Allemagne, est déjà disponible sur des sites Web. Enfin, Zayen, qui n'oublie pas les sacrifices de ses pairs dans le domaine de la production culturelle, a décidé d'honorer la mémoire des victimes du long métrage kabyle la Montagne de Baya de Azeddine Meddour. «J'ai choisi cette soirée du 1er décembre parce que c'est très important pour moi ; c'est à cette date que des artistes et autres personnes engagés ont trouvé la mort ou ont été blessés dans l'explosion de l'appartement de Bouzeguène où logeaient les professionnels du film la Montagne de Baya, une explosion qui s'est produite dans des conditions que je trouve bizarres ; c'est justement pour leur rendre hommage que je vais demander au public d'observer une minute de silence à leur mémoire», tient-il à souligner.