La sortie médiatique de Tony Blair ne surprend que ceux qui avaient cru aux arguments fallacieux de Bush et de sa machine propagandiste mise en place bien avant les attentats du 11 septembre 2001. On a tendance à oublier la première invasion de l'Irak en 1991 lorsque Washington avait tout fait pour pousser Saddam à annexer le Koweït afin d'avoir un argument imparable pour Bush père qui n'a pas réussi à atteindre ses objectifs, en l'occurrence le renversement du régime de Saddam. Bush fils a eu tout le loisir de finir l'œuvre destructrice du père avec le soutien actif de certains pays arabes. En fait, c'est là que se situe l'enjeu majeur de ce projet diabolique occidental que Tony Blair vient de reconnaître enfin. Pour lui, l'invasion de l'Irak aurait été justifiée même si Saddam Hussein n'avait pas disposé d'armes de destruction massive (ADM). «L'idée était qu'il représentait une menace pour la région, dont le développement d'ADM faisait évidemment partie, et il a utilisé des armes chimiques contre sa propre population, c'était bien entendu le plus important dans mon esprit», a déclaré M. Blair dans une interview diffusée dimanche dernier sur la chaîne BBC 1 et dont des extraits ont été publiés samedi dernier. Interrogé sur la question de savoir s'il aurait engagé son pays dans la guerre en mars 2003 même si Saddam Hussein n'avait pas disposé d'ADM, Tony Blair a répondu : «J'aurais continué à penser qu'il était juste de le renverser. Evidemment, nous aurions employé et développé des arguments différents quant à la nature de la menace.» Evoquant l'ancien dictateur Saddam Hussein, l'ex-chef du gouvernement (1997-2007) a poursuivi : «Je ne peux réellement penser que nous serions mieux si lui et ses deux fils étaient encore au pouvoir, mais c'est incroyablement difficile... J'avais une décision à prendre.» Cet entretien est diffusé à un moment où se poursuivent à Londres les audiences publiques de l'enquête sur l'engagement britannique en Irak dans le cadre desquelles M. Blair doit témoigner l'an prochain. Au centre de l'enquête, figure le fameux «dossier», comme on l'appelle en anglais, présenté le 24 septembre 2002 par Tony Blair et qui affirmait que l'Irak disposait d'ADM susceptibles d'être déployées en 45 minutes. Il s'est, ensuite, avéré que ce dossier avait été musclé, la mention des 45 minutes ayant été ajoutée. Aucune ADM n'a été découverte en Irak après l'invasion de 2003 dirigée par les Américains et les Britanniques. La coalition «Stop the war» a estimé que les déclarations de Tony Blair constituaient un «aveu de crimes de guerre». «C'est un acte illégal d'agression selon le droit international d'attaquer un autre pays dans le but d'en changer le régime», accuse l'ONG dans un communiqué. «Le gouvernement de Tony Blair et la Chambre des Communes (Chambre basse du Parlement, ndlr) n'auraient jamais approuvé une guerre si Blair avait donné cette raison», ajoute-t-elle. L'organisation appelle dorénavant au lancement de «poursuites judiciaires» contre Tony Blair «s'il réitère cet aveu devant l'enquête sur l'Irak». S'étant converti au catholicisme après avoir quitté le pouvoir, l'ancien chef de gouvernement a, par ailleurs, assuré que sa nouvelle religion n'avait pas eu d'influence sur sa décision. Ainsi, l'engagement de Blair dans la guerre contre l'Irak a été pris pour une seule raison qui est la même que celle de Bush, à savoir l'intérêt économique et géopolitique des lobbies économiques américains et britanniques. Quand aux raisons morales qu'il évoque, elles ne sont que des euphémismes cachant mal le cynisme occidental qui verse des larmes de crocodile sur les Irakiens réprimés par Saddam alors que les Palestiniens sont assassinés quotidiennement par Israël sans que l'Occident soit capable de condamner l'Etat hébreu pour sa politique coloniale, ségrégationniste et d'apartheid. Si les Occidentaux défendent leurs intérêts à tout prix, même en provoquant le chaos, qu'est-ce qui justifie le soutien de certains pays arabes et musulmans à l'invasion de l'Irak ? Certains chefs d'Etat arabes sont pires que Saddam pour justifier leur implication par le souci de la démocratie et de la liberté. A. G.