Les urgences ont besoin d'être secourues. Ces structures constituent la bête noire des citoyens tant elles les font souffrir. C'est un chemin de croix pour ceux que la douleur prend au dépourvu ou dont le mal s'aggrave subitement, surtout de nuit. Une véritable galère sans fin vécue par des patients qui doivent prendre leur mal en patience, au propre comme au figuré. Dans ces services souvent exigus et mal apprêtés, et face à l'indifférence du personnel médical, il y a l'impuissance des malades et de leurs familles. L'inégalité est flagrante. D'un côté, des médecins et des infirmiers qui semblent insensibles à tant de souffrance et de lassitude, d'un autre, des personnes qui vont mal et dont les proches crient souvent leur colère. Les va-et-vient incessants du personnel médical donnent l'impression que l'on se trouve au cœur d'une activité soutenue, alors qu'il n'en est rien. Les discussions à propos de tout et de rien et les rires démontrent que ces acteurs de la santé se soucient très peu de l'état de toutes les personnes présentes, comme s'ils portaient une carapace. Des victimes d'accidents de la route ou d'accidents domestiques, des blessés ensanglantés gisent dans des civières à même le sol, abandonnés à leur sort. Désemparés, leurs accompagnateurs attendent un hypothétique intérêt de la part du personnel. Il faut souvent aller «dénicher» les médecins de garde qui se retranchent dans les chambres lorsqu'ils sont là, ou attendre vainement leur arrivée. Les internes tentent de pallier les insuffisances sans vraiment réussir à combler le vide. L'anarchie est visible au quotidien ; chaque nuit apporte son lot de douleurs qu'il faut soulager et de blessures qu'il faut panser mais qui ne reçoivent pas d'écho dans les couloirs. Il faut toutefois relever les efforts et l'abnégation de certains praticiens et paramédicaux qui ne se départent jamais de leur sensibilité et ne faillent pas à leur devoir, même en l'absence de moyens matériels et de traitements adéquats. Leur sollicitude suffit parfois à atténuer la souffrance. R. M.