Dans le cadre du cycle des conférences organisé en marge du 4ème Festival international de musique andalouse et des musiques anciennes, le musicologue marocain Ahmed Aydoun a abordé samedi dernier, à la salle Frantz Fanon de Riadh El Feth, l'épineuse question de la transcription de la musique andalouse lors de sa conférence intitulée «portée et limites de la transcription dans la préservation du patrimoine musical». La problématique de l'étroite relation et le rapport mitigé entre l'écriture musicale et la tradition orale sont sujet à débat depuis de longues années dans ce milieu musical où deux camps s'affrontent : ceux qui veulent garder l'âme de la musique andalouse à travers la transmission orale et ceux qui veulent passer à la transcription pour, entre autres, des raisons didactiques et une plus large vulgarisation de la musique savante. Il y a aussi un troisième camp médiateur qui coupe la poire en deux en optant pour la transcription, certes, mais tout en préservant l'esprit de cette musique ancestrale transmise par la tradition orale et ce, grâce aux enregistrements sonores. C'est pour une solution médiane que pencherait le spécialiste marocain qui a indiqué qu'«il fut un temps où toute une génération de musiciens faisait l'apologie de la notation musicale occidentale et [que], face à eux, les traditionalistes voyaient d'un œil suspect cette intrusion et ne juraient que par la tradition orale. L'histoire nous a montré qu'aucun des deux clans n'avait totalement raison, ni totalement tort, et qu'il fallait donc relativiser l'apport des uns et des autres». Il ajoute à ce sujet que la problématique est encore productive quand on veut comparer le résultat de cette problématique sur le plan pratique. «L'histoire a toujours concilié cet instant éphémère de la musique par des signes», dira le chercheur cité par l'APS. Expliquant la notion de la transcription, il précise que «la transcription n'est pas seulement cet objectif didactique de désigner des échelles mais aussi de conserver des mélodies et des rythmes». Il étaye ses propos par le fait que toutes les civilisations ont fait appel à la transcription pour conserver leurs musiques. Il a toutefois rappelé que «la musique du Maghreb baignait dans la tradition orale et se suffisait de cette tradition orale». Mais il a ajouté en contrepartie que «la transcription a été engagée pour sauvegarder et perpétuer le patrimoine». Afin de renforcer le fait que la transcription et la transmission orale peuvent être conciliantes et représenter une solution idoine, Ahmed Aydoun a donné l'exemple de la musique jazz en affirmant que «le jazz constitue le plus grand exemple de la tradition orale au XXe siècle. On ne reproduit jamais la répartition de jazz comme on doit la jouer». Le musicologue a aussi mis en exergue le fait qu'avant le XXe siècle les notations musicales étaient des notations didactiques et que la musique écrite était une «exception». Citant comme exemple le cas de la musique classique européenne qui a adopté la transcription suite à l'introduction de la polyphonie. Soulignant que «cette écriture qui était nécessaire pour la polyphonie est devenue une culture et [que] l'écriture a été intégrée comme logique de rationalité». Dès lors, Ahmed Aydoun estime que les notations donnent des repères qu'on doit compléter par la tradition orale et que l'écriture ne remplace jamais la tradition orale même dans les cas extrêmes. Pour conclure, citant le musicologue marocain, il synthétise son point de vue en estimant que «la transcription musicale permet de fixer les hauteurs et les rythmes et de fournir des éléments d'analyse et des ressources pour la transmission et la pédagogie. La tradition orale permettait et permet encore de vivre la musique intensément et d'assimiler ses nuances insoupçonnées. L'équilibre entre les deux doit être maintenu pour tout musicien ou chercheur qui se respecte». S. A.