La santé de la femme en Algérie pose problème : on ne s'en s'occupe que lorsque la concernée est mariée pour suivre donc sa grossesse ou traiter des problèmes en relation avec sa fonction reproductrice. Les petites filles, les adolescentes, les femmes célibataires mais aussi celles ménopausées ne bénéficient que d'une petite attention du personnel médical. De leur propre attention, devrions-nous le dire. Quelles en sont les causes ? Responsable du service «Santé femme» à l'Institut national de santé publique (INSP), le Dr Faïka Medjahed évoque le poids des «stéréotypes négatifs» imposés par une société qui veut maintenir la femme dans une position de faiblesse et de soumission. Le Dr Medjahed, qui intervenait hier lors d'un débat sur la question initié par elle-même, explique cela par «le statut de la femme qui demeure encore et toujours limité à son rôle familial et social, déterminé lui-même par sa fonction reproductrice : maternité, éducation des enfants, travaux domestiques et bien-être de la famille et de la communauté». Pourtant, durant tous les âges la fille, devenue femme, est confrontée à de sérieux problèmes de santé qui ne sont en réalité que l'expression des changements qui s'opèrent en elle sur le plan physique et mental. L'adolescence, par exemple, est considérée comme l'étape la plus difficile à vivre mais très peu de familles pensent à prendre au sérieux les problèmes de leurs filles et les conduire chez des médecins spécialistes dont des gynécologues et des psychologues. L'adolescence passe dans la souffrance et les regrets pour de nombreuses filles. Même chose pour les femmes ménopausées qui vivent cette période difficilement mais n'osent pas voir un médecin et se prendre en charge convenablement. Il y a aussi ce problème des femmes qui sont à l'âge de procréer mais qui ne sont pas actives sexuellement (interdits de la religion et autres). D'autres bravent des interdits sans toutefois prendre les mesures de prévention nécessaires et se retrouvent dans des situations très difficiles : grossesse non désirée, maladies sexuellement transmissible,etc. Dr Faïka Medjahed reprend les chiffres de la présidente de l'association FARD, sociologue et enseignante à l'université, Mme Boufenik : au moins deux fois par semaine, si ce n'est chaque jour, la presse révèle la découverte de nourrissons abandonnés mais surtout décédés. Les naissances hors mariage sont estimées à 7 000, alors qu'officiellement il n'y a que 3 000 recensées annuellement. Quelque 8 000 avortements sont pratiqués chaque année (chiffres avancés officiellement) et qui ne reflète que ce qui est visible dans cette pratique. Les participants à la rencontre d'hier appellent les personnels de la santé à changer de regard et de comportement envers la femme, et ce quel que soit son âge. Ils appellent à l'écoute, à la compréhension pour amener la femme à parler elle-même de ses problèmes de santé et se prendre en charge convenablement. «Il faut s'occuper de la santé de la femme, de la période prénatale à la vielliesse. Il faut aider la femme à retrouver le bien-être et vieillir en bonne santé». «Quelle place doit avoir l'adolescente dans notre système de santé?» demande Mme Ouahiba Hassani du service de réanimation au CHU Mustapha. Endocrinologue à l'hôpital Bologhine, le Pr S. Ouahid fait remarquer de son côté que très peu de médecins s'intéressent aux pathologies gynéco pédiatriques concernant particulièrement la fille. Une situation qui est d'autant plus critique qu'il y a une absence de structures adaptées. Elle appelle donc à la mise en place de ces structures et la formation du personnel spécialisé. «Le personnel soignant doit être à l'écoute des femmes qui viennent pour des consultations», estime, pour sa part le Dr Medjahed. «Nous devrions aller vers une possible reconstruction de l'estime de soi chez les femmes. Ceci suppose l'invention de nouvelles pratiques chez les soignants, laissant cours à une certaine générosité». K. M.