John Steinbeck aurait pu s'en inspirer pour écrire un livre, lui qui a su décrire la détresse humaine, le désarroi mêlé de désespoir et d'amertume d'une jeunesse, le rêve brisé par les désillusions… «El harga»! Prendre le large, partir à la conquête d'autres cieux «plus cléments», aller à la recherche de cet eldorado qu'est l'Europe à leurs yeux… Il est facile de se mettre dans la peau d'un jeune harrag, qui se sent lésé et qui voit qu'il n'a pas sa place dans un pays rongé par les passe-droits et la hogra… Le lien entre el harga et el hogra est étroit. C'est «el hogra», «le chômage, le mal-vivre, le piston, la bureaucratie, l'opportunisme….qui poussent des dizaines de jeunes et d'adolescents à «el harga», à fuir leur pays, sur des embarcations de fortune, bravant la mer, au péril de leur vie. L'année 2009 aura été particulièrement marquée par une montée en puissance du phénomène de l'émigration clandestine. Elle a aussi apporté au quotidien son lot de désolation. Le cas du jeune trentenaire Akram d'Annaba, mort alors qu'il tentait de rejoindre l'autre rive de la Méditerranée est l'un des plus bouleversants. Le nombre de ces jeunes «désespérés» qui s'en vont, en quête de bien-être, à la recherche du rêve perdu au creux des vagues ne cesse d'augmenter. Le phénomène d'el harga qui gagne du terrain dans notre pays et prend des proportions alarmantes ne semble pas inquiéter outre mesure les pouvoirs publics. L'indifférence des responsables face aux problèmes des jeunes exacerbe encore plus la situation. Les jeunes sont sceptiques et ne font plus confiance aux promesses démagogiques. «El harga» traduit leur déception et leurs déboires. Au-delà des discours officiels sur les programmes de lutte contre le chômage et d'emploi, la réalité est tout autre. Qu'en est-il des programmes ANSEJ… annoncés ici et là…? Qu'est-il advenu des milliers de locaux commerciaux prévus dans le cadre de la résorption du chômage mais détournés de leur vocation initiale ? Les jeunes ont perdu confiance en leurs dirigeants. Nos gouvernants demandent aux Algériens de «se serrer la ceinture» et continuent d'arborer un train de vie luxueux et «bling-bling». Autant dire que le fossé qui s'est installé entre la jeunesse algérienne et les pouvoirs publics ne cesse de s'élargir. Seule une véritable prise en charge des préoccupations des jeunes à travers des mesures concrètes pourrait freiner l'émigration clandestine. A. B.