Photo : Sahel Par Samir Azzoug Elle est l'incarnation du courage. Son existence est un combat au quotidien. Contre le sort et la société, Mlle Fatma Benaidrene lutte. La vie n'a pas été tendre envers ce petit bout de femme. Atteinte d'un handicap physique, une hémiplégie, l'invalidant à 100% dès son très jeune âge, Fatma force le destin. Loin de tomber dans la victimisation, elle croque la vie à pleines dents. Face aux difficultés, elle se surpasse. Sa détermination trouve sa source dans le challenge lancé par son oncle. «J'habitais en France. En 1986, mon père m'envoie chez mon oncle, ici en Algérie. Je ne savais même pas parler l'arabe. Mon oncle a fait cette promesse à son frère : “Tu m'as envoyé une fillette, j'en ferai une femme accomplie”. Alors, j'ai décidé de l'aider dans son initiative», raconte-t-elle. En 1997, Fatma fonde l'association «Chems El Ghed» spécialisée dans l'aide aux personnes handicapées. «L'objectif de l'association est d'offrir aux ‘'populations ayant des besoins spécifiques'' [elle refuse le terme handicapé], une chance d'insertion socioprofessionnelle et de leur garantir une autonomie financière», résume-t-elle. Pour ce faire, «Chems El Ghed» propose une liste d'ateliers de formation dans diverses activités (couture, broderie, peinture, coiffure, poterie, informatique…). «On organise des ateliers de formation dans lesquels se côtoient des personnes atteintes de handicap physique ou mental et d'autres ‘'ordinaires''. Cela facilite l'insertion et permet de lever les barrières et autres craintes. Une fois la formation terminée, les stagiaires ne trouvant pas de travail ailleurs ont accès aux ateliers de production qui sont générateurs d'argent. On a des clients et, ainsi, les stagiaires sont rémunérés. Cela leur fait une rentrée d'argent», explique-t-elle, ravie. La création d'une association n'est pas chose aisée en Algérie. La première grande difficulté, pratique, est celle d'avoir accès à un local. Condition sine qua non pour avoir l'agrément. «En 1997, on a eu droit à un local dans l'ancienne salle omnisports de Baraki. Dans un désir d'étendre notre activité, nous avons réussi à avoir ‘'gracieusement'' un chapiteau de plus de 200 m2 au niveau de Aïn Taya qu'on a dû nettoyer et aménager pour travailler. Maintenant, pour diverses raisons, les deux locaux nous ont été enlevés. Actuellement, grâce à mon salaire dans une entreprise de distribution de médicaments [qui a fermé], j'ai consacré la moitié de mes rémunérations [soit 5 000 DA] à la location d'un rez-de-chaussée de villa pour continuer notre activité», se désole Fatma. Aujourd'hui, le bail arrivé à son terme, la jeune femme n'a qu'un véritable souci en tête : comment trouver un local pour exercer ? Très dynamique, elle ne cède pas pour autant au désespoir. «Cette jeune fille, dit-elle la désignant du doigt, est sourde et muette. C'est une véritable artiste en matière de coiffure. Au début, elle était timide et renfermée, regardez-la maintenant. Elle est resplendissante et fière de montrer ses réalisations. Elle ne craint plus le regard des autres», se réjouit Fatima, un regard tendre à l'adresse de la virtuose des cheveux. La volonté n'a pas de barrières et le courage de limites. La lutte permanente, si elle ne paye pas forcément en espèces sonnantes et trébuchantes, récompense toujours son auteur. Grâce à son abnégation, Fatma a gagné. Son handicap a régressé : «Maintenant, je ne suis invalide qu'à 40%.» A la regarder, on a du mal à croire qu'elle souffre de problèmes moteurs. Fatma resplendit de vitalité, communique avec une grande aisance, sourit à belles dents. Elle a su combattre son mal physique et remporter une victoire écrasante contre les idées préconçues. A elle seule, ce petit bout de femme représente une réussite éclatante.