On associe souvent la guerre de libération nationale à la prise des armes, à l'engagement des intellectuels qui ont lutté avec leur plume, mais on oublie la contribution du 7ème art à la médiatisation de la situation algérienne durant l'ère du colonialisme. Ils étaient jeunes, téméraires et engagés. Avec leur caméra, ils ont su capter des images sincères et tellement réelles du combat des Algériens pour leur indépendance. Le danger ne les faisait pas reculer, au contraire. Le maquis et les zones de combat étaient leurs plateaux de tournage. Ils étaient à la fois photographes, reporters et cinéastes. Les archives nationales sont inondées de leurs œuvres. Il nous reste à y piocher pour mieux connaître notre histoire et celle des hommes qui l'ont écrite. Ces combattants sont le sujet du documentaire les Cinéastes de la liberté présenté jeudi dernier à la salleIbn Zeydoun. Réalisée par Saïd Mehdaoui, cette œuvre cinématographie est un ensemble de témoignages de cinéastes, d'hommes politiques et de professionnels du 7ème art qui évoquent ceux qui ont fait la révolution grâce au cinéma.Le documentaire s'amorce avec des déclarations de Jules Ferry, Guy de Maupassant et Victor Hugo, des promoteurs de la pensée orientaliste qui a fait des cultures de tous les pays colonisés, africains en général et l'Algérie en particulier, des cultures dites «mineures» ou «indigènes», entendre cultures de «peuples sauvages et barbares» que la France est venue pour éduquer et civiliser. L'image attribuée au peuple algérien est celle d'un peuple inculte sans repères, qualifié d'indigène. Le cinéaste Mohamed Ben Salah dira à ce propos que «les colons ont fait circuler une image réductrice et stéréotypé des Algériens». Saliha Messadi et Ahmed Bejaoui sont du même avis. Le documentaire donne également la parole à des politiques, dont l'ex-chef de gouvernement Reda Malek qui revient sur la situation après les massacres du 8 mai 1945. «Les images filmées ont dévoilé au monde entier la situation de l'Algérie en décrédibilisant la France. En effet, les documents audiovisuels ont largement contribué à la médiatisation de la situation et cela bien avant la presse écrite et la parution du journal la Résistance Algérie publié en France, à Tunis et Tétouan.» Pourtant, ces cinéastes n'avaient reçu aucune formation. Poussés par l'appel du devoir national, ces hommes se sont improvisés cinéastes et reporters de guerre. Parmi ces combattants, le jeune Djamel Chanderli qui a quitté son travail pour rejoindre le maquis. Il est le premier à avoir filmé les images du bombardement au napalm à Constantine en 1957. Les images commencent à fuser de partout et les cinéastes s'y intéressent de plus près. D'autres films suivront, dont Yasmine de Lakhdar Hamina, Allons enfants de l'Algérie de Karl Gass, Une nation, l'Algérie, Kifah El Djazair et l'Algérie en flammes de René Vautier. Il y aura aussi les images du bombardement de Sakiat Sidi Youcef en Tunisie filmées par Pierre Clément ainsi qu'un autre document filmé par Cécile Clairval, qui a été détruit après l'emprisonnement de sa réalisatrice. Le professeur Chaulet nous parlera également du film Djazairouna (notre Algérie) présenté aux Nations unies et qui a fait l'effet d'une bombe pulvérisant le système de communication des colons. Le 7ème art est devenu une arme redoutable. Des centres de formation seront d'ailleurs créés dans les zones frontalières. Le réalisateur précisera que ce documentaire est le premier produit d'Id Prod auquel il promet un bel avenir. W. S.