Synthèse de Hassan Gherab Pour renforcer la prise de conscience quant à la nécessité de préserver la diversité des organismes vivants de notre planète, l'Organisation des Nations unies (ONU) a proclamé 2010 «Année internationale de la biodiversité». Le lancement officiel de cette année inscrite sous le thème «La biodiversité, c'est la vie» a eu lieu lundi dernier à Berlin. L'objectif est de faire de cette année celle de la mobilisation en faveur de cette richesse fragilisée par la pollution, la déforestation, l'agriculture intensive, l'industrialisation ou l'urbanisation. La menace qui pèse sur la biodiversité étant aujourd'hui une préoccupation et une responsabilité du monde entier, ce sera aussi un moyen de s'assurer que sa conservation sera inscrite comme une priorité dans les agendas 2010 des gouvernements et des Etats. «Il est temps que les gouvernements envisagent sérieusement de sauver des espèces et s'assurent que la conservation soit une priorité de leur agenda 2010, dans la mesure où nous manquons réellement de temps», estime Jane Smart, spécialiste de la biodiversité à l'Union internationale pour la conservation de la nature (UICN). «Dans le monde occidental, nous sommes devenus si éloignés de la biodiversité que nous avons oublié à quel point nous l'utilisons dans nos vies quotidiennes, depuis la nourriture que nous mangeons jusqu'aux vêtements que nous portons, en passant par les médicaments que nous utilisons», déplore l'UICN avant de rappeler que «cette reconnaissance doit rapidement se transformer en actions de conservation». Aussi, afin de sensibiliser le public aux enjeux de la préservation de la biodiversité, l'UICN a-t-elle décidé de publier chaque jour un portrait de chacune des 365 espèces animales et végétales les plus menacées de disparition. Un tiers des 1,8 million d'espèces connues dans le monde serait confronté à une menace d'extinction, et 6 à 12 millions d'espèces seraient encore inconnues des scientifiques. En effet, chaque jour, de nouvelles espèces animales ou végétales s'ajoutent au tableau des espèces disparues ou en voie de disparition. On parle aujourd'hui d'une possible sixième extinction de masse. La faune décline jour après jour à cause de la pollution causée par les activités humaines, de la déforestation et des changements climatiques qui en découlent. Le braconnage, la surpêche et des mesures de protection souvent insuffisantes ou péniblement appliquées ne sont pas pour arranger les choses. Les spécialistes ne peuvent pas donner le nombre exact des espèces animales disparues directement ou indirectement à cause des activités de l'homme, mais ils estiment à 260 le nombre d'espèces de vertébrés éteintes, et ce, en l'espace d'un peu plus d'un siècle seulement, XXe et début XXIe. Que de menaces sur la biodiversité La pollution, qui est le premier agent destructeur de la biodiversité, n'en finit pas de rallonger la liste de ses victimes. Pour illustrer l'étendue de ce fléau, l'association Robin des Bois, après un an de recherches menées par ses équipes sur le terrain, a réalisé et publié un inventaire des sites pollués en Arctique. Au total, ce sont quelque 2 750 spots de pollution qui ont été recensés. Et ce, sans compter ceux à mettre au compte de la Russie, les autorités ayant refusé de communiquer leurs données à l'association. L'Alaska en regroupe 509, tandis que 662 autres ont été recensés au Canada, 468 au Groenland, 418 en Suède, 524 en Norvège et 169 en Finlande.Les bases militaires et scientifiques, la prospection, l'exploitation et la distribution de gaz et de pétrole, le stockage de carburants et les infrastructures minières et sidérurgiques, sont les principales activités responsables de cette pollution. Les rejets polluants dominants sont les hydrocarbures, les métaux lourds, l'amiante, les PCB et autres polluants organiques persistants (POP). Pour l'association Robin des Bois, ces 2 750 sites constituent de véritables «abcès environnementaux et des voies de transfert des polluants vers les eaux douces et marines». «Si tous les projets d'activité industrielle en Arctique gèrent les déchets de la même manière que les activités pionnières, on court à la catastrophe», prédit l'association. L'impact de cette pollution est particulièrement inquiétant pour les populations qui dépendent des milieux naturels et dont l'alimentation est essentiellement basée sur les ressources aquatiques et le gibier. Les Inuits et les populations indigènes de l'Arctique sont intoxiqués par la pollution tout comme plusieurs espèces animales telles que les phoques, les baleines, les ours polaires et les oiseaux marins chez lesquels une imprégnation aux PCB a été constatée, notamment dans la région norvégienne de Svalbard. Suite à la publication de son rapport, Robin des Bois appelle à la mise en place d'un plan massif de gestion et de réhabilitation des sites pollués de l'Arctique. Mais il est peu probable que la requête trouve un écho chez ceux-là mêmes qui polluent, lesquels, pour pouvoir continuer à le faire impunément, ont fait capoter le sommet de Copenhague et sont prêts à sacrifier tout et tous pour juste sauvegarder leur suprématie économique. Une conférence alternative sur le climat Il y a heureusement une «résistance» qui s'organise et qu'il s'agit de renforcer. Ainsi, pour pallier l'échec du sommet de Copenhague et lui trouver une alternative, le président Evo Morales a annoncé dernièrement qu'une conférence mondiale sur les changements climatiques se tiendrait en Bolivie du 20 au 22 avril prochain. Scientifiques, mouvements sociaux, peuples indigènes et représentants des gouvernements «qui veulent travailler avec leur peuple» y sont conviés. «La conférence mondiale des peuples sur le changement climatique et les droits de la Terre mère», qui se tiendra à Cochabamba, aura pour but d'«analyser les causes structurelles du changement climatique» puis de «proposer des mesures de fond pour le bien-être de l'humanité, en harmonie avec la nature», a expliqué à la presse le président bolivien. L'objectif principal de cette conférence sera de faire pression sur les pays industrialisés afin qu'ils prennent conscience et reconnaissent leur «dette climatique» vis-à-vis des pays les plus pauvres et les plus fragilisés par le changement climatique dont les pays riches sont les premiers responsables. Le sommet bolivien aura également pour but de réfléchir à l'élaboration d'une «déclaration universelle des droits de la ‘Terre mère''», à la mise en place d'une «cour internationale de justice climatique» et d'un projet de référendum mondial sur un plan de lutte contre le changement climatique. Selon la Commission économique pour l'Amérique latine et les Caraïbes (Cepal), la Bolivie, le Chili, l'Equateur, le Paraguay et le Pérou sont les pays les plus affectés par le changement climatique. En Amérique latine, 30 à 40% de la biodiversité de certains pays est menacée de disparition à l'horizon 2100 alors que la région est l'une des moins émettrices de gaz à effet de serre. N'est-ce pas là une injustice doublée d'un crime crapuleux que les pays riches préparent froidement ?