Le président-directeur général de Sonatrach a été mis sous contrôle judiciaire, tandis que d'autres responsables du géant pétrolier sont mis sous mandat de dépôt. L'information aurait pu passer inaperçue s'il ne s'agissait pas de la plus grande entreprise en Afrique et l'une des compagnies pétrolières les plus importantes au monde. Mais, au-delà de son poids économique, c'est sa position stratégique pour l'Etat algérien qui est intéressant.Cette affaire -une première dans les annales de cette entreprise- est d'autant plus intéressante qu'elle soulève d'énormes questions. La première est celle de savoir comment se fait-il que le ministre en charge du secteur, Chakib Khelil, se permet, avec une facilité déconcertante, d'affirmer qu'il n'était pas au courant de l'affaire, alors que la presse en a fait écho quelques jours auparavant. En réalité, cette déclaration du ministre de l'Energie remet au goût du jour la question de la responsabilité politique dans notre pays. Car, il y a quelques mois, un autre scandale -énorme lui aussi- a éclaté sans que cette question de responsabilité morale des politiques ne soit engagée. Est-il, en effet, normal que le secrétaire général ou le chef de cabinet d'un département ministériel soit mis en cause dans une affaire de corruption aussi importante que l'affaire de l'autoroute Est-Ouest sans que la responsabilité politique du ministre ne soit engagée ? Le propos ici n'est pas d'accuser qui que ce soit. Ce rôle incombe à la justice, seule habilitée à trancher dans pareil cas. Ce qui est par contre intriguant c'est qu'aucune «tête politique» n'est tombée. Cela remet sur la table la question de la culture de la démission. Cela est également évident pour le problème lié à l'importation du vaccin contre la grippe porcine. Et le problème doit également se poser avec cette affaire Sonatrach. Parce que, en plus d'être une affaire de corruption -des affaires devenues malheureusement banales- il s'agit d'une question d'une extrême sensibilité, puisqu'elle est liée à la sécurité nationale. Plus qu'une question de sécurité, c'est maintenant la crédibilité de l'Etat qui est engagée. Parce qu'on ne peut pas parler de lutte contre la corruption si on ne joue pas la transparence à fond. Et la transparence commence par l'affichage des rapports de l'IGF (inspection générale des finances) qui devait être normalement la règle. En plus de cela, la justice doit mettre du sien en recourant à l'auto-saisine. Et ce n'est malheureusement pas encore le cas, malgré un discours politique clair à ce sujet. Puisqu'il y a tout juste quelques mois, le président de la République avait réitéré cet engagement de lutter contre ce phénomène qui, il faut le dire sans ambages, est devenu une véritable gangrène dans la société. Cependant, pour mener à bien une mission aussi noble, l'entreprise doit être conduite de manière totalement irréprochable. Autrement dit, la lutte contre la corruption doit toucher un maximum de personnes suspectées. Frapper fort et bien. Cela redonnera de la confiance aux Algériens. Mais si cela a l'air d'une chasse aux sorcières, ou de la poudre aux yeux, la méfiance des citoyens dans la justice de leur pays ne fera que s'accentuer. C'est le sentiment dominant, en tout cas, jusqu'à présent. La tendance sera-t-elle renversée ? A. B.