Au moins 150 cadavres ont été retirés des puits du village de Kuru Karama, près de Jos au centre du Nigeria, après quatre jours d'affrontements entre chrétiens et musulmans. Selon le chef du village et des bénévoles participant au secours, il y a 150 corps retrouvés dans des puits alors qu'il reste 60 autres personnes disparues selon la liste des réfugiés dans ce village dont disposent les bénévoles. En quelques heures, Kuru Karama, un gros bourg agricole de 3 000 personnes, en majorité des musulmans, à 30 km au sud de Jos, est devenu un village fantôme. Tout a été détruit, incendié. Un précédent bilan vendredi d'une organisation de secours islamique faisait état de 62 corps retrouvés. Aucun bilan officiel des affrontements n'a encore été publié mais la seule source crédible reste celle du Comité international de la Croix-Rouge (CICR), qui fait état de 160 personnes tuées et de 18 000 déplacées. Ce drame survient au lendemain des combats qui ont éclaté dimanche dernier à Jos. La cause apparente est le différend foncier entre deux propriétaires, l'un chrétien et l'autre musulman. Des combats qui se sont vite étendus aux communes avoisinantes. Les autorités fédérales avaient envoyé l'armée en masse dès mardi à Jos, mais pas dans les environs de la ville. Dans une allocution télévisée jeudi soir, le vice-président, Goodluck Jonathan, a promis que le gouvernement poursuivrait les auteurs de ces violences. «Ceux qui, par leurs actions ou leurs déclarations, ont encouragé ou attisé les braises de cette crise, seront arrêtés et rapidement traduits en justice», a-t-il déclaré. Les émeutes se sont déroulées alors que la Cour suprême nigériane a donné deux semaines au gouvernement pour déterminer si le président Umaru Yar'Adua, malade, est toujours en mesure de rester au pouvoir ou s'il doit céder la place. Le président Yar'Adua a quitté le pays il y a près de deux mois pour se faire soigner en Arabie saoudite. Âgé de 58 ans, Yar'Adua est parti sans confier officiellement l'intérim, contrairement à ce que stipule la Constitution. Son vice-président chrétien devait constitutionnellement assurer l'intérim. Or, l'usage au Nigeria édicte que la présidence du pays restera musulmane jusqu'en 2015. Depuis plusieurs semaines, pouvoir et opposition s'opposent sur l'aptitude de ce dernier à rester en fonction. Des milliers de personnes ont manifesté à deux reprises pour exiger la démission du grabataire. Même l'ancien chef de l'Etat, Olusegun Obasanjo, est monté au créneau pour fustiger cette situation préjudiciable à la stabilité de ce pays. Mis au pied du mur pour trancher cette question, le gouvernement nigérian doit faire face encore à cette flambée de violence interconfessionnelle. Pour cerner un autre éventuel cycle de violences animé par la volonté de représailles, la sécurité a été renforcée dans plusieurs villes du Nord, notamment Kano, Kaduna, Maiduguri, une région à majorité musulmane, dominée par l'ethnie haoussa. La précédente flambée de violence à Jos avait fait entre 300 et 700 morts fin 2008. G. H.