Qui peut ressentir la douleur d'une mère éplorée par la mort de son enfant sur la route ? Qui peut se mettre à la place d'une épouse subitement endeuillée par le décès de son époux ? Qui peut convaincre une famille frappée par le malheur à cause d'un chauffard que la vie continue ? Il est aisé de croire que le temps efface ces stigmates ensanglantés dans le cœur de parents privés de leur fils ou de leur fille, et dans celui d'enfants qui comprennent soudainement qu'ils ne reverront plus leur père ou leur mère. Rien ne semble arrêter l'hécatombe qui devient une caractéristique de nos routes. Des vies laissées sur le bitume dans un fracas de tôle, il y en a chaque jour. Des bolides sont lancés à une allure folle par des conducteurs tout aussi fous, fascinés uniquement par la vitesse et la frime. De plus en plus de jeunes prennent le volant, surtout à la faveur des crédits qui étaient octroyés pour l'acquisition d'un véhicule. Les auto-écoles n'ont jamais été aussi sollicitées que ces derniers temps, les cours dispensés, que ce soit en théorie ou en pratique, sont à l'image de la conduite des nouveaux détenteurs du permis. La responsabilité de ces dernières est avérée et aucune mesure intégrée dans la formation ne pourra donner ses fruits sans une prise de conscience aussi bien de la part des examinateurs que de ces «commerçants» du permis de conduire. Le massacre n'est pas seulement le fait des jeunes conducteurs, les anciens ont eux aussi une grande part dans cette folie furieuse. Des slaloms dignes des pistes de ski sont observés sur les routes et les autoroutes, c'est à qui roulera le plus vite, quitte à jaillir en queue de poisson et à emboutir le premier véhicule qui se trouvera sur son passage. Emboutir est un euphémisme. Ce sont de véritables carnages qui sont provoqués chaque jour. Les bilans se suivent avec de plus en plus de morts et de blessés. L'inconscience est telle que des cars se transforment en cercueils pour leurs passagers, par la faute de chauffeurs qui se soucient plus de réduire leur temps de parcours que de la sécurité des voyageurs qu'ils transportent. Cette image est devenue courante. Certains n'arriveront jamais à destination tandis que d'autres garderont à jamais des séquelles physiques et morales. Dépassés par le phénomène et conscients que celui-ci prend de l'ampleur au fil des années, les pouvoirs publics tentent de mettre un frein à la violence routière à travers notamment des campagnes de sensibilisation. La radio nationale est mise à contribution dans l'espoir que les conducteurs de véhicules cessent de semer la mort et de plonger des familles dans le deuil. «Mes neveux réclament toujours leurs parents, ma mère ne cesse de pleurer. Nous ne parlons plus d'autre chose.» Entendre cette phrase de la bouche d'un homme qui a perdu 3 membres de sa famille dans un accident de la route il y a un peu plus de deux ans ne peut pas laisser indifférent. Cela fait même très mal. R. M.