Résumé de la 40e partie n Le docteur Sanders avoue avoir donné la mort à Madame Borotto, pour abréger ses souffrances. Pour cela, il encourt la peine de mort. Le procès a eu lieu quelques jours après. A sa première audition, il s'avère que le docteur Sanders a agi de son propre chef, bien que la famille de la défunte, notamment son époux, M. Borotto, le négociant en huile, ait été soulagé d'apprendre son décès. C'est donc le médecin seul qui est inculpé d'assassinat. C'est lui, en effet, qui a fait la piqûre mortelle, et pire que tout, il était le médecin de la malade, c'est-à-dire la personne chargée de s'occuper d'elle, de la soigner, de préserver sa vie et non de la détruire. — Vous avez bafoué l'éthique de votre profession, dit le juge d'instruction, vous avez remis en cause le droit de vivre de cette personne ! Même s'il ne lui restait qu'un jour, qu'une heure à vivre, vous avez détruit sa vie ! — Cette femme souffrait atrocement… Elle n'était plus qu'une loque ! — Qui êtes vous, pour décider de mettre fin à sa vie ? Elle avait comme tout être humain, le droit de vivre ! — Elle avait aussi le droit de mourir dans la dignité ! — Ce n'est pas à vous d'accorder le droit de vivre ou de mourir. Il fallait vous contenter de votre seul devoir : soigner, soulager les souffrances et, quand c'est dans vos moyens, sauver la vie ! Le médecin hoche la tête. — Oui, mais je suis aussi un homme. — Aux yeux de la loi, docteur Sanders, vous êtes coupable d'un meurtre. Et d'un meurtre avec préméditation. Le crime, dont le docteur Sanders, en cette fin des années 1940, est accusé, n'est pas un crime de droit commun, mais porte un nom : euthanasie, à savoir mettre fin à la vie d'un malade incurable pour le soulager. Le terme est aujourd'hui connu du grand public, à l'époque, il l'était moins. C'est pourtant un vieux mot, puisqu'il date du XVIIe siècle et apparaît, pour la première fois sous la plume de Francis Bacon, homme d'Etat et philosophe anglais très connu. Dans un texte intitulé The Advencement of Learning, rédigé une première fois en 1605 et revu en 1623, il écrit : «Je dirai de plus, en insistant sur ce sujet, que l'office du médecin n'est pas seulement de rétablir la santé, mais aussi d'adoucir les douleurs et souffrances attachées aux maladies… Et lorsqu'il n'y a plus d'espérance, il faut lui procurer une mort douce et paisible, car ce n'est pas la moindre partie du bonheur que cette euthanasie…» Le mot euthanasie, employé ici, vient du grec eu (bonheur) et thanatos, «mort», autrement dit (mort douce). Sous la plume de Bacon, le mot est entendu dans le sens d'une médecine palliative, destinée à alléger les souffrances du malade, en l'accompagnant dans les derniers moments de sa vie, en supprimant tout ce qui peut avoir d'oppressant pour le malade, en se contentant de remèdes qui atténuent la douleur, en rendant agréable sa chambre... L'accompagnement est médical, mais aussi spirituel, en le préparant à la mort. Il ne s'agit, en aucun cas, de donner la mort. (à suivre...)