De notre correspondant à Constantine Nasser Hannachi Le fossé entre la culture et sa promotion ainsi que son exploitation économique reste assez large. Incontestablement, Constantine, la capitale de l'Est algérien, rentabilise mal ses acquis historiques, culturels ou artistiques. L'absence d'une véritable stratégie apte à mettre en relief ses atouts se fait cruellement sentir. Des filons sont en déperdition alors que, s'ils étaient exploités judicieusement, ils pourraient garantir un apport non négligeable à la ville et la région. Et les acteurs censés renforcer la donne économique pour conforter la trésorerie locale, voire nationale, ne font rien d'autre qu'attendre la traditionnelle et significative manne ministérielle sans chercher à élaborer des feuilles de route qui permettraient de capitaliser toutes les potentialités que recèle le secteur de la culture dans cette région. Et ô combien elles sont importantes. L'Office du tourisme, qui s'occupe beaucoup plus du recensement des arrivées et des départs lors des saisons estivales, semble avoir scellé le sort de la promotion touristique à Constantine. «Il faut instaurer toute une politique pour faire fructifier les richesses culturelles. A commencer par intéresser les visiteurs à séjourner dans la région. Et cela ne peut se faire que si on leur propose un canevas, un produit, un circuit à visiter», estime un cadre du tourisme qui ne cache pas sa déception du fait que Constantine renferme un maigre potentiel en matière d'infrastructures hôtelières, ce qui n'est pas sans conséquence pour la mise à profit de l'équation culture/économie. Les sites d'accueil sont le talon d'Achille de la cité millénaire. Mais pas seulement. A cette faiblesse, il faudra rajouter le manque de créativité et d'initiative des agences de voyages existantes qui ne sont qu'un relais pour la vente de billets d'avion, sans plus. Elles ne font qu'«exporter» des touristes algériens vers la Tunisie et la Turquie. Il est rare, pour ne pas dire impossible, de voir des voyagistes proposer ou encourager la destination Constantine, ne serait-ce que pour quelques nuitées… Pour l'heure, les espoirs se portentdur les deux buildings en construction au cœur de la ville et appartenant à la chaîne Accor. «Mais comment peut-on inviter des touristes quand on sait que la ville ne compte que deux hôtels et quelques pseudo hôtels dont les étoiles sont plus que ternies ?» rétorque un voyagiste. Et la boucle est bouclée. En plus de cette absence de promotion et d'infrastructures d'accueil, la culture dans la capitale de l'Est est plongée dans un profond sommeil, et aucune proposition ou action concrète n'est venue la sortir de cette léthargie. Tous les discours prononcés à maintes circonstances n'ont malheureusement pas eu d'impact ni provoqué le déclic. Pourtant, pour ceux qui ont de l'imagination et de la créativité, la wilaya de Constantine est dotée de ressources qui ne demandent qu'à être valorisées et fructifiées. Musée, monuments antiques et sites patrimoniaux et musique, tout ce potentiel subit les affres du temps sans bénéficier de l'attention requise. A vrai dire, les ressources que générerait l'exploitation de ces richesses culturelles en sommeil n'ont pas encore été intégrées dans une véritable réflexion ou étude. Ni l'office culturel ni les promoteurs affiliés aux organismes publics n'ont élaboré cette perspective alors, que, sous d'autres cieux les sites, les traditions, les fêtes populaires et tout ce qui a trait à l'identité culturelle d'une localité ou d'une région figurent en tête des politiques de développement local. Pour ce faire, des réaménagements et des restaurations de monuments historiques et autres sites culturels s'imposent à plus d'un titre. La population assiste impuissante aux dégradations que subissent des endroits chargés d'histoire (médina, monument aux morts, tombeau de Massinissa au Khroub…). Les pouvoirs publics, qui s'attellent depuis quelques années à rafistoler des endroits classés, consécutivement à des enveloppes financières, ne parviennent pas en revanche à inculquer aux acteurs locaux la donne relative à l'économie. Du moins, aucun écho sur cette éventuelle relation entre culture et développement n'est venu des responsables locaux dans la bouche desquels on entend exclusivement, comme à l'accoutumée : «Constantine, ville de culture…», sans plus. Cette satisfaction est déclamée à longueur d'année dans diverses manifestations officielles. Cela devient un leitmotiv, mais rien ne vient pour faire profiter la ville de sa culture. Opérateurs privés et agences de voyages notamment sont appelés à sortir de leur activité sommaire. Ils devraient tisser des échanges avec l'Office du tourisme local, qui, lui aussi, baye aux corneilles, et d'autres partenaires étrangers afin de faire de Constantine une destination prisée, non seulement par les rares nostalgiques, mais aussi le commun des visiteurs et voyageurs qui devraient être intéressés par la découverte de la cité millénaire… Ce qui créerait à coup sûr une dynamique rentable, en attendant que les pouvoirs publics reconsidèrent le rôle de la culture dans le développement du pays et de la société.