Le 13 février 1960 à 7h, dans la localité de Hamoudia, près de Reggane (1 700 km d'Alger), la première bombe au plutonium explosa. L'opération «Gerboise bleue» a marqué le début d'une série de 210 essais nucléaires français dans le Sahara et la Polynésie auxquels ont participé plus de 150 000 militaires et civils. «Nous avons servi de cobayes humains durant les premiers essais atomiques français à Reggane», a indiqué Gaston Morisot, l'un des militaires français, présents sur le site de l'explosion de la première bombe atomique française, le 13 février 1960, près de Reggane. Les témoignages de ce genre sont légion. Un demi-siècle après, des milliers de vétérans de l'armée française, qui se disent irradiés, luttent encore pour que l'Etat français reconnaisse sa responsabilité «dans les manques de précaution et la contamination des personnels des sites d'essais». Le taux de cancer chez les vétérans s'élève à 35%, soit le double de la population française d'âge égal. Une mortalité infantile trois fois supérieure à la moyenne chez leurs descendants, indique une étude de l'Association des vétérans des essais nucléaires (AVEN), qui regroupe 4 500 adhérents. 300 personnes affirment avoir contracté des pathologies radio-induites, c'est-à-dire des maladies provoquées par l'exposition aux radiations, telles que des cancers et leucémies, selon cette association qui s'intéresse aux «liens entre les essais nucléaires et la santé des personnes touchées par ces essais, et les effets sur leurs descendants». La France refusant jusqu'alors de reconnaître officiellement le problème, les victimes étaient contraintes de saisir la justice et de démontrer le lien entre leur maladie et leur exposition à des radiations pour obtenir éventuellement des indemnisations. Exemple : en février 2007, 12 anciens militaires, souffrant de maladies graves imputées aux conséquences des essais nucléaires français dans les années 1960, ont demandé à la cour d'appel de Paris de contraindre l'Etat à les indemniser. Ils ont fait appel des décisions de cours régionales des pensions militaires et de la commission d'indemnisation des victimes d'infractions pénales de Paris rejetant leurs demandes. Ces instances ont estimé que le lien entre les maladies et les essais n'était pas établi ou ont jugé l'indemnisation impossible au regard de l'ancienneté des faits. Ce n'est qu'au début 2009, que les «irradiés de la République», ont enfin un espoir à travers un projet de loi présenté à l'Assemblée nationale française. Il aura donc fallu attendre 50 ans pour qu'enfin le ministère de la Défense reconnaisse et décide d'indemniser les victimes ayant été irradiées ou contaminées par des fuites radioactives et explosions souterraines. 10 millions d'euros ont été proposés pour l'indemnisation des victimes d'essais nucléaires dans le Sahara et en Polynésie. Le 27 mai 2009, le gouvernement a adopté le premier régime d'indemnisation doté de 10 millions d'euros pour l'année. «Une première enveloppe» qui indemnisera les vétérans victimes de maladies figurant «sur une liste élargie de maladies -celle de l'ONU». Et le 22 décembre était adoptée une loi qui allait reconnaître une «présomption de causalité» entre exposition au risque et maladie. En principe, 150 000 travailleurs civils et militaires sont théoriquement concernés, sans compter les populations qui vivaient au Sahara et en Polynésie à l'époque des essais. Le Parlement français a adopté ensuite la loi n° 2010-2 du 5 janvier 2010 relative à la reconnaissance et à l'indemnisation des victimes des essais nucléaires français. Toutefois, l'AVEN avait protesté contre l'absence d'information et de concertation de l'Association des vétérans concernant la politique d'indemnisation. Cette association des victimes qui représente 150 000 personnes, a élevé une vive protestation contre le fait que la décision finale d'indemnisation ne soit pas, comme pour toutes les maladies professionnelles, décidée collectivement. Elle s'est dit inquiète quant aux nombres restrictifs des maladies reconnues alors que les Etats-Unis reconnaissent par présomption d'origine plus de trente maladies cancéreuses ou non cancéreuses. Mais plusieurs victimes mourront sans avoir jamais été indemnisées, à l'instar du président d'honneur de l'Association des vétérans des essais nucléaires (AVEN), Jean-Louis Valatx, décédé le 22 janvier 2009 des suites de maladies radio-induites. Le docteur Jean-Louis Valatx était un médecin chef de l'armée : il avait été envoyé en tant que médecin à In Ekker au Sahara algérien, suite au tir nucléaire souterrain raté du 1er mai 1962, qui a provoqué plusieurs fuites radioactives et explosions souterraines, ayant irradié ou contaminé de nombreuses personnes. Jean-Louis Valatx était atteint de deux cancers dont une maladie du sang. «Il est, lui aussi, une de ces victimes de la bombe à retardement que constituent les conséquences tardives des rayonnements ionisants», explique un communiqué de l'AVEN. Ayant contribué à faire connaître la vérité sur les conséquences sanitaires des essais nucléaires pour les personnes présentes sur un site nucléaire, il a mené une enquête de santé sur 1 800 vétérans qui révèle que les victimes exposées sont atteintes de cancers et de maladies non cancéreuses, notamment cardio-vasculaires supérieures à la moyenne française, selon les explications de l'association. A. R.