De notre correspondant à Béjaïa Kamel Amghar La bonne gestion des villes, les questions d'hygiène et de salubrité, le cadre de vie, ainsi que le civisme sont autant de sujets qui reviennent incessamment dans le débat public sans que cela débouche sur les changements souhaités par l'ensemble des citoyens. Les déclarations d'intention, celles des responsables comme celles des administrés, laissent entendre que tout le monde œuvre de concert pour des cités «proprettes et blanches» où il ferait bon de vivre. Dans la réalité, la situation empire de jour en jour. Les dysfonctionnements des services publics chargés de ce dossier, le peu d'intérêt pour la chose publique et le bien-être collectif, l'inculture ambiante, s'ajoutant à l'urbanisation anarchique, ont fait de nos villes des dépotoirs de déchets de toutes sortes. Ne parlons pas de l'esthétique des réalisations, mais seulement du minimum vital pour bien respirer et se mouvoir en toute quiétude. Rien que pour l'évacuation quotidienne des ordures ménagères, les élus locaux ne tarissent pas de promesses comme si la chose relevait de la gageure. «La ville est trop sale», peste-t-on souvent à Béjaïa. Le citoyen, qui évoque la prolifération des déchets ménagers et des rats dans tous les quartiers de la cité, déborde immanquablement sur l'ambition, ainsi contrariée, de faire de Béjaïa une véritable destination touristique. A la mairie, les élus reconnaissent la pertinence du constat et attribuent cette insalubrité au manque de moyens de nettoiement. «Pour toute la ville de Béjaïa, on ne dispose que de 7 engins de collecte des ordures : 5 camions à benne et 2 bennes tasseuses. Afin d'assurer une hygiène correcte, il nous faut au moins 25 bennes tasseuses de capacité supérieure à 8 m3 chacune», estime Sadek Aïssanou, vice-président de l'APC. «Comme ce peu de matériel, vétuste de surcroît, est employé tout le temps, h24 et 7/7, il tombe constamment en panne. C'est pourquoi les niches à ordures débordent toujours sur la voie publique», ajoute-t-il en guise d'explication. Afin de remédier en urgence à cette déficience, l'Assemblée a fait appel dernièrement à des prestataires privés pour leur confier le nettoiement de 5 secteurs sur les 10 que compte la ville. Cette expérience en est toujours à ses débuts pour tirer d'éventuelles satisfactions. L'APC compte cependant renforcer son propre dispositif en la matière en consacrant une enveloppe budgétaire de 7 milliards de centimes pour l'acquisition de 4 bennes tasseuses et d'une balayeuse-laveuse mécanique. La réception de ces équipements est prévue pour la fin de l'année en cours. En attendant, les élus locaux lancent épisodiquement des campagnes de volontariat pour parer au plus pressé. Un palliatif, mais pas une solution. Au-delà de cette lancinante question des ordures, le désordre et l'anarchie sont omniprésents. Des trottoirs squattés par des commerçants peu scrupuleux, des chaussées inondées à la moindre averse, des amoncellement de gravats devant tous les immeubles d'habitation, des voitures stationnées à tous les coins de rue, des rongeurs et des insectes qui se multiplient partout, la ville n'en garde que le nom. Même les places et les squares qui faisaient jadis la fierté de la cité millénaire se trouvent aujourd'hui ternis par l'abandon auquel ils sont livrés depuis belle lurette. Ils n'ont plus le même attrait sur les visiteurs. Les Bougiotes, de plus en plus nostalgiques, regrettent les temps révolus. Cette situation de «non-gestion» de l'espace public caractérise aussi toutes les autres communes de la wilaya. Des décharges sauvages amochent partout des sites naturels d'une exceptionnelle beauté. Les plages, les bosquets, les rivières, les espaces jouxtant les cités résidentielles, à l'instar des autres lieux publics comme les arrêt de bus ou les places des marchés, rien n'échappe à la saleté repoussante. Même dans les villages et les campagnes les plus éloignés, les nouvelles habitudes de consommation et les changements opérés dans la construction génèrent de plus en plus de déchets. Les Assemblées communales sont, peut-être plus que jamais, interpellées à se remuer un peu pour stopper cette pollution rampante. L'aménagement de décharges modernes, la réalisation de centres d'enfouissement des déchets et la récupération sont autant d'impératifs pour freiner cette désolation. La société civile, à travers les associations et les comités de village, est aussi appelée à s'impliquer et à s'organiser en conséquence. Former les maires, les inciter à travailler et à prendre des initiatives est une bonne chose. Mais il faut aussi leur attribuer des prérogatives supplémentaires et des moyens financiers conséquents pour pouvoir les astreindre, ensuite, à une obligation de résultat.