De notre correspondant à Constantine Nasser Hannachi I l serait préférable de commencer l'application stricte du nouveau code de la route au niveau des grands axes routiers les plus meurtriers, car les chauffeurs de poids lourds y imposent leur loi et ceux de véhicules de tourisme ont tout intérêt à rester vigilants au risque de se faire emboutir ou écraser. La vie des usagers disciplinés est ainsi mise en danger sans qu'aucun représentant de l'ordre ne vienne mettre le holà, ce qui peut entraîner des drames. C'est ce qui ressort de témoignages de voyageurs habitués, après qu'ils ont pris connaissance des nouvelles mesures répressives destinées aussi bien aux automobilistes qu'aux piétons. Leur emboîtant le pas, un citoyen estime que cette loi, paraphée en juillet dernier et entrée en vigueur au début du mois de février en cours est venue, certes, apporter une solution à quelques dysfonctionnements, mais il semblerait que l'on ait mis la charrette avant les bœufs, du moins concernant les peines pécuniaires à l'encontre des piétons. «Comment peut-on, du jour au lendemain, habituer la population à traverser en empruntant les passages protégés sous peine d'amende de 2 000 DA ?» s'interroge un citoyen. Au lendemain de l'entrée en vigueur de cette loi, les P-V ont déjà commencé à pleuvoir. Un père de famille habitant la banlieue de Constantine a été surpris lorsqu'il a été apostrophé par un agent de l'ordre public. Ce dernier lui a signifié qu'il devait s'acquitter de la somme de 2 000 DA faute d'avoir emprunté le passage pour piétons, qui, précisera-t-il, était à peine visible, car la peinture s'était effacée. «Je ne suis pas un habitué du centre ville. Mais disons que cette sanction me surprend dans la mesure où aucune indication n'est affichée qui puisse attirer l'attention du piéton que je suis», s'est-il lamenté. Encore faudra-t-il chercher ou repérer les passages pour piétons dans une cité qui aura mêlé ses chaussées à ses trottoirs ! De jeunes chômeurs n'ont pas été du reste. «C'est un peu de l'exagération ! Je suis sans boulot et sans le moindre sou. Je fais des trocs à ‘Rahbet el dj'mel' souk situé au centre-ville près du TRC) pour assurer ma journée. Par cette mesure, je risque de travailler davantage pour m'acquitter de la contravention au cas où j'oublierais de traverser là où il faut», dira un de ces jeunes. En fait, l'article répressif du ministère des transports atterrit sans avoir été précédé d'une quelconque sensibilisation ou avertissement. «C'est aberrant ! On exécute une loi du jour au lendemain sans en informer les concernés», martèlent des citoyens que nous avons accostés dans la rue, cherchant les bandes blanches du passage afin d'éviter le PV. Le hic est que, si l'on excepte le centre ville qui grouille de monde, l'anarchie persiste près des écoles sans que l'on y aperçoive des agents de l'ordre sommant des véhicules à respecter les piétons, les enfants surtout. Les élèves rejoignent leurs classes quotidiennement en bravant les dangers de ces chauffeurs qui ne respectent rien ni personne, sauf l'agent de police, quand il est là… ce qui n'est pas souvent le cas. Seuls quelques collèges, lycées et écoles primaires sont sous la protection permanente des agents de l'ordre public. «Pourquoi n'a-t-on pas aménagé des passages protégés alentour de tous les établissements scolaires et pourquoi n'affecte-t-on pas des agents de l'ordre pour veiller en permanence à la sécurité de nos enfants ?» s'interrogent parents d'élèves, enseignants et responsables d'établissements. Sur un autre plan, le centre-ville du chef-lieu, qui vit une véritable anarchie avec des commerces sauvages et des marchandises envahissant les trottoirs et bouchant tout passage pour les piétons, obligés de marcher sur la chaussée au risque de se faire renverser par un véhicule ou verbaliser par un agent de police -qui ne pipe pas mot pour demander aux commerçants de dégager le passage-, aura besoin en premier lieu d'un assainissement afin de se débarasser de son aspect de grand bazar à ciel ouvert. De prime abord, il importe de libérer les trottoirs et de remettre chacun à sa place, les voitures sur la chaussée, les piétons sur les trottoirs et les marchandises dans les magasins. Exiguë, la ville de Constantine requiert une autre vision et une autre gestion de son tissu urbain. Ce nouveau code de la route serait une opportunité pour entamer une reprise en main de l'organisation de la ville, voire une réorganisation. Cela étant, il faut mettre l'index sur la défectuosité des routes et leur éclairage presque inexistant. Hors du centre, la circonscription est plongée dans l'obscurité dès la nuit tombée. Pourtant, les réseaux électriques et les lampadaires existent. Quant aux signalisations routières, elles sont floues ou mal orientées, ce qui complique la conduite durant la nuit. S'ajoute à cela l'état désastreux de certains tronçons. On citera l'exemple de la route reliant Zouaghi à Boussof. La réfection des routes et le respect dans le positionnement des plaques signalétiques s'imposent pour garantir aux conducteurs des déplacements sans trop de risques. S'il est vrai que les routes algériennes génèrent annuellement des hécatombes en raison de la mauvaise conduite des usagers, il appartient aux pouvoirs publics de mettre avec ce nouveau code une batterie de mesures allant de la sensibilisation à la formation pour une application juste et sans bavure, mettant tous les conducteurs sur un pied d'égalité. Au final, la population locale souhaite que ce code rétablisse l'ordre sur les routes et réduise le nombre impressionnant d'accidents. Quant aux sanctions à l'encontre des piétons, elles s'avèrent plus ou moins exagérées de l'avis des Constantinois qui arguent que «les feux tricolores sont parfois loin d'être synchronisés et les passages protégés ne sont pas toujours là où ils devraient être…»