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De la célébration de Camus au procès de l'ALN
Encore la démystification et la désinformation comme arme préférée du lobby néocolonial
Publié dans La Tribune le 25 - 02 - 2010

Avant même qu'elle ne soit publiée, «l'alerte aux consciences anticolonialistes» a provoqué des réactions en chaîne de la presse et de la blogosphère françaises. On peut y lire des informations de ce genre : «Si vous voulez vraiment lire l'Etranger, le Mythe de Sisyphe [...] alors faites preuve de discrétion, allez les lire à l'abri des regards», a ironisé, vendredi 19 février, le quotidien arabophone El Khabar, en condamnant les «objecteurs de conscience et les gardiens du temple qui font en ce moment la chasse à tous ceux qui lisent Camus» (in le Monde du 21.02.2010). L'information est d'évidence plus crédible si elle est reprise d'un quotidien algérien arabophone. Pas de doute dans ce cas-là : si même un journal arabophone s'insurge contre «des objecteurs de conscience», c'est que l'affaire doit être sérieuse et les milices mobilisées autour des librairies ! Mais dans le même article, Nacer Djabi, sociologue arabophone, il est utile de le souligner, nous prend à contre-pied : «C'est une bataille de la génération des plus de 50 ans, les jeunes ne connaissent pas Camus». Destinataire de la pétition, cet universitaire a refusé de la signer.
«Ce n'est pas facile de défendre Albert Camus en 2010 du fait de l'arabisation de la culture et des petites guéguerres avec les Français», ajoute-t-il. (in
le Monde du 21.02.2010)). Voilà bien un paradoxe. Il faudrait qu'il nous explique comment l'arabisation qui touche tous les moins de cinquante ans parmi les universitaires fait que les plus de cinquante ans s'élèvent contre un lobby qui entend utiliser Camus pour diaboliser notre guerre de libération, traiter notre combat d'entreprise terroriste et modifier substantiellement notre perception de l'identité nationale ? Les arguments de Nacer Djabi ont eu un succès foudroyant.
La blogosphère les reprend en boucle. En voici un exemple : «A ce premier débat vient s'ajouter une guerre entre arabophones et francophones qui, depuis quelques années, tend à évincer les auteurs de langue française tels que Camus.» Arabophones et francophones se crêpent le chignon et chacun peut imaginer les scènes cocasses devant les librairies. Voici un autre exemple du succès de Nacer Djabi : «Et toute tentative de célébration de l'œuvre d'Albert Camus se heurte rapidement à de nombreuses difficultés de réalisation. Le gouvernement ne donne pas facilement de l'argent pour ce type de projets. Pour autant, cela reste une bataille conduite par l'arrière-garde et les nouvelles générations algériennes connaissent très peu l'œuvre de Camus.»
Ces réactions regrettent déjà que des sponsors algériens, qui avaient prévu de financer la caravane, se mettent à douter des véritables buts de cette manifestation et que certaines institutions officielles soient moins enthousiastes maintenant qu'il s'avère que cette manifestation est plus une entreprise politique qu'un hommage purement esthétique.
Il faut, une fois de plus, déblayer la montagne de mensonges et de mystification pour restituer quelques vérités élémentaires. Rassurons d'abord le public : il n'existe nulle milice de la lecture et les livres de Camus se vendent et se lisent en toute liberté. Rappelons que, depuis 2004, année de lancement de la première campagne autour de cet auteur, en appui à la loi du 23 février 2005, Camus tient le haut du pavé médiatique en Algérie. Tous les auteurs algériens de sa génération et véritables fondateurs de la littérature algérienne n'ont pas bénéficié du centième de la surface médiatique consacrée à Camus. En plus des articles spécifiques, du Camus, il y en avait «en veux-tu, en voilà» jusqu'à l'overdose. C'est même cette overdose qui a attiré l'attention et révélé que les articles, les séminaires, les pèlerinages s'apparentaient à une campagne dont le financement désignait les maîtres d'œuvre. Au cours de cette campagne, il a été très peu question de l'œuvre elle-même -hormis un long article– mais beaucoup de l'identité de Camus : est-il Algérien ? La question de l'identité est une question politique pas un souci esthétique. La campagne a été énorme et a donné lieu à toutes les contorsions des «déchirures» de Camus à ses «tourments». Cela ne constitue toujours pas un souci esthétique mais une question politique. Bien sûr, ses promoteurs et ses intervenants posaient la question en postulant la grandeur littéraire de Camus. Il leur importait peu que camus ait répondu à la question en militant pour le maintien de l'Algérie française et donc qu'il se considérait comme Français. Mais pas seulement. Dans le vocabulaire de Camus, l'identité algérienne était réservée aux seuls pieds-noirs et aux pieds-noirs seuls. Nous étions pour lui des «Arabes» et il nous l'a rappelé tout au long de notre guerre de libération en nous proposant comme solution la reconnaissance d'une «personnalité» arabe, pas même le statut de français à part entière. Camus vivant aurait dénié le statut d'Algérien à tous ces universitaires, journalistes, éditeurs mobilisés autour d'une question identitaire soigneusement camouflée en célébration d'un auteur. Il est utile de rappeler qu'à l'époque les initiateurs de cette campagne avaient besoin de réveiller l'image d'un pied-noir qui pouvait faire oublier ou du moins contrebalancer celles des Bugeaud et des Bigeard. En sous-main déjà, on travaillait l'idée que les pieds-noirs et la colonisation présentaient des effets positifs et que la guerre de libération avait eu au moins le défaut d'avoir été hâtive et précipitée.
Les rares réactions à la campagne de 2004 et de 2005 n'ont à aucun moment attaqué Camus ni sa lecture. Elles ont dénoncé l'entreprise politique sous le camouflage littéraire. Rares réactions, trop rares pour être significatives.
La mystification avait amplement réussi.Bien sûr, entre cette campagne de 2004/2005 et aujourd'hui le travail d'entretien s'est fait. A partir de décembre 2009, les choses ont pris une nouvelle tournure. Sans que les Algériens soient informés d'une préparation avancée d'une caravane célébrant Camus -jugez de la loyauté de la démarche !- une nouvelle campagne médiatique s'enclenche. Elle ne pose plus la question de l'algérianité de Camus : elle répond en allant plus loin. Camus n'était pas pro-OAS ni pro-FLN. En écho, le petit-fils de Camus rappelle dans une émission télé que le FLN était une organisation terroriste devant un directeur du Centre culturel algérien qui reste muet face à cette résurgence du langage des Lagaillarde et des Massu. Reprenons : qu'est-ce que le FLN et l'OAS viennent faire dans une question esthétique ? Alors que les promoteurs de cette campagne pour Camus ne cessent de se revendiquer de la seule littérature et de la seule esthétique, ils n'arrêtent pas de faire de la politique. Camus est donc bien un prétexte. Pourtant, la comparaison du FLN et de l'OAS nous pose plus de questions qu'elle n'en résout. D'abord un problème de vérité historique : Camus n'était pas neutre entre le FLN et l'OAS. Personne ne sait s'il aurait été ou non pro-OAS, il est mort avant le développement de cette organisation. Mais il était anti-FLN. Il n'était pas neutre à l'égard du FLN, il était contre. Il a été même le premier intellectuel français à mener la contre-offensive idéologique contre l'ALN avec sa chronique de septembre 1955. Ensuite, que veut dire cette comparaison entre FLN et OAS ? Que le FLN était une organisation terroriste. La mystification bat son plein. Le FLN de la guerre de libération n'a pas déclenché son action contre l'OAS mais contre l'ordre colonial et a combattu l'armée coloniale française. Du coup, l'armée coloniale est dédouanée de ses crimes et le combat du FLN de la guerre de libération remis en question. Quelle réécriture de l'histoire ! «De l'admiration de Camus au jugement de l'ALN», voilà le contenu essentiel de cette campagne selon l'expression de Samia Zennadi. Il est permis aux auteurs de cette comparaison de nous frapper dans nos martyrs et dans nos torturés ; de nous faire injure dans notre combat et dans nos familles en réanimant la vieille propagande coloniale sur «les terroristes du FLN».
Il oublie, et avec lui tout le lobby néocolonial, que le FLN de la guerre de libération, c'était nous, l'écrasante majorité de notre peuple contre lequel on avait aussi mobilisé des supplétifs. La méthode a encore du succès. Reprenez toutes les déclarations et tous les articles, nous ne sommes que dans ce genre de mystifications, de mensonges, de torsions de la réalité et de la vérité historique. «L'alerte aux consciences anticolonialistes» ne fait autre chose que dénoncer ces buts réels du lobby néocolonial : faire le procès de notre guerre de libération sous le couvert de célébration littéraire ; discuter notre identité nationale ; remettre en cause le processus de décolonisation. Cette alerte s'attaque au lobby même si elle est obligée de montrer pourquoi Camus est l'homme idoine pour la besogne. La France est libre de fêter l'un de ses enfants et de le célébrer. Les Algériens sont libres de lire, d'aimer ou de ne pas aimer Camus. Les signataires de cette alerte ne constituent pas une secte ou un peloton de zouaves aux ordres d'un adjudant. Chacun d'eux est libre de s'exprimer sur cette question comme il veut, y compris en s'attaquant à Camus. Si Eric Zemmour est libre de traiter Sartre de barbare dans une émission française, il n'y a pas de raison que camus échappe à des regards critiques ou alors serait-ce un blasphème de le discuter quand Sartre est attaqué ; la liberté de penser et de s'exprimer est toujours soumise au double standard ? La France officielle est libre de célébrer Camus ; elle n'est pas en droit de faire de son agenda culturel notre actualité nationale ni de vouloir rejouer le match dont l'histoire a sifflé la fin. Il fallait à cet Etat français et à son lobby néocolonial franco-algérien beaucoup nous sous-estimer pour nous faire passer ce combat pour celui de l'arrière-garde d'une armée défaite. C'est à ses tentatives de reconquête néocoloniale que nous nous opposons. Et nous nous opposerons.
M. B.


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