Cela se passe dans une maternité à Béjaïa. Un jeune couple se présente aux urgences à une heure tardive de la nuit. La femme, enceinte jusqu'aux yeux, est en proie à un violent malaise. Une primipare, psychologiquement affectée, qui appréhende sérieusement son premier accouchement. Malgré l'urgence de la situation, il a fallu un bon bout de temps à l'époux pour alerter le personnel soignant sur le cas critique de son épouse. On se décide après moult négociations à la prendre charge. La situation se présente mal. On recourt à la césarienne. L'«heureuse» maman est finalement délivrée. Le nouveau-né est arrivé prématurément. Il a sept mois et quelques jours. On décide de garder la jeune génitrice en observation. Le bébé, extrêmement fragile, est promptement remis au papa qui, cependant, suggère aux médecins de le mettre sous couveuse. Rassuré, il accepte enfin d'emmener son petit «ange» chez-lui. L'enfant meurt au petit matin malgré les petits soins de la famille. Le drame est amèrement vécu par ce couple qui estime, a posteriori, qu'il y eut manifestement négligence. Le poupon aurait dû être admis pour poursuivre sa croissance in vitro. Le père se mord toujours les doigts d'avoir cru aux explications qui lui ont été données. Autrement, il aurait insisté pour la couveuse. De tristes histoires comme celle-là sont aujourd'hui légion dans les établissements hospitaliers algériens. La grève des blouses blanches, qui perdure, depuis des mois déjà, pénalise énormément d'usagers. Même si les grévistes parlent à chacune de leurs interventions du fameux service minimum, les malades accusent partout les praticiens de la santé publique de légèreté dans l'estimation du degré de préoccupation de leur état de santé. A l'hôpital de Kherrata, un jeune homme fortement enrhumé s'est vu annoncer, sans subir le moindre examen, que son affection ne présente aucune urgence. Il se dit déçu par l'attitude des médecins qui n'avaient rien fait pour lui, malgré son évacuation de nuit par un proche. Il lui a fallu attendre le lendemain pour se faire ausculter dans un cabinet privé. Impossible d'étaler ici tous les pathétiques faits divers qui se produisent au quotidien dans nos structures de santé. Il faut, en revanche, souligner que le bras de fer qui s'éternise entre la tutelle et la corporation doit impérativement cesser pour le salut de tout le monde. Un dialogue responsable doit conséquemment s'instaurer entre toutes les parties concernées pour sortir de cette crise qui n'honore personne. Les deux syndicats qui paralysent le secteur, le ministère de la Santé et de la Réforme hospitalière, les services du Premier ministre et la direction générale de la fonction publique sont appelés à se mettre autour d'une table pour régler définitivement cette épineuse question. Leur ridicule partie de cache-cache, qui se poursuit depuis le mois de novembre dernier, a assez duré. Les foyers à faible revenu, les pauvres, les chômeurs, les malades chroniques et les femmes enceintes, pour ne citer que ces catégories-là, ont payé le prix fort dans ce conflit. Si on est unanime à estimer que les médecins algériens sont moins rémunérés que leurs pairs dans les pays voisins, on se refuse toutefois de les croire capables de tant d'insensibilité à nos douleurs. Si chaque partie fait preuve de bonne volonté et consent à faire de petites concessions, le compromis sera vite trouvé. Le désarroi de milliers de malades mérite bien ce petit effort. N'est-ce pas ? On pourrait presque dire autant au sujet de la grève du corps enseignant avec le spectre de l'année blanche qui plane, comme l'épée de Damoclès, au-dessus des centaines de milliers d'élèves en classes d'examen. La responsabilité, en toute chose, implique nécessairement des sacrifices et des remises en cause, surtout quand les intérêts de toute une nation sont mis en jeu. K. A.