De notre correspondant à Oran Samir Ould Ali Doit-on penser aux «vacances culturelles» lorsque de très nombreux élèves ont des cours à rattraper, un programme à terminer avant les examens finaux ? Pour beaucoup de lycéens de troisième année secondaire la question ne se pose même pas, en regard du lourd retard accusé en raison des grèves des enseignants : «Compte tenu du temps qui reste avant les examens du baccalauréat, il est presque certain que nous ne pourrons pas aller au bout du programme. Nous sommes, malgré tout, obligés de travailler pendant le congé si nous voulons limiter les dégâts ; donc, pas de vacances culturelles !», estiment-ils. Pour autant, ces lycéens avaient-ils l'habitude d'enrichir leur culture générale pendant les périodes de vacances ? Si un certain nombre répond par l'affirmative (lecture de romans, films, musique et Internet), d'autres répliquent et assument : «Pourquoi lirais-je un livre alors que j'ai passé tout un trimestre à étudier ? Et, d'ailleurs, à quoi cela me servirait-il de bouquiner lorsque je sais que la culture ne rapporte jamais rien et que ce sont les affaires qui comptent ?» Il est vrai que l'actualité algérienne apporte, chaque jour, la preuve que ce sont les commerçants et les affairistes qui ont le vent en poupe alors que les enseignants, les médecins, les chercheurs, à savoir ceux qui sont censés avoir passé une partie de leur vie à lire et à étudier, n'arrêtent pas de se battre pour une vie décente : «Je n'ai jamais vu des importateurs défiler dans la rue pour réclamer moins d'impôts, ironise cet élève. En revanche, nos enseignants n'arrêtent pas de se plaindre des mauvaises conditions de travail ; ce qui veut tout simplement dire que nous vivons dans un pays où il vaut mieux être commerçant et affairiste.» Implacable logique que ne peut réfuter la profusion des fast-foods en comparaison des librairies dans une ville oranaise disposant de nombreuses facultés et s'apprêtant à inaugurer un pôle universitaire censé la hisser au rang de «centre de rayonnement». Malgré le scepticisme ambiant quant à l'utilité de la culture, de nombreux parents vont à contre-courant et insistent sur la nécessité d'inculquer à leurs enfants le goût de la lecture et d'entretenir leur curiosité et leur désir d'apprendre. Pour cela, ils organisent les vacances culturelles basées essentiellement, il est vrai, sur la lecture et deux ou trois sorties éducatives : «Ma femme et moi travaillons toute la semaine et nous n'avons que le week-end à offrir à nos enfants», explique un père, fonctionnaire de son état, dont les deux enfants sont écoliers du primaire. «Pendant ces vacances, ils auront des livres à lire et des DVD de dessins animés à regarder, sous la surveillance de leur grand-mère. Le week-end, si nous ne sommes pas trop fatigués, nous les emmènerons au musée, dans des librairies ou dans une association oranaise dédiée au livre.» D'autres n'hésitent pas à emmener leurs jeunes enfants au théâtre (qui organise un programme spécial jeunesse) ou à la Cinémathèque qui, comme tout le monde le sait, est la seule salle qui fonctionne sur un parc évalué à 30 cinémas : «Un outil formidable pour éduquer les jeunes, si seulement les autorités voulaient ouvrir les yeux», déplore un cinéphile frustré, père de trois enfants. Pourtant, actualité oblige, la majorité de ces parents d'écoliers prévoit de réserver une plage horaire à la révision des leçons et au rattrapage des cours : cette année, les perturbations dans le secteur de l'éducation n'ont pas touché que les classes terminales.