Photo : Riad Par A. Lemili «Le gouvernement qui gouverne le mieux est celui qui gouverne le moins.» Cela ne risque vraisemblablement pas d'arriver à celui de notre pays compte tenu de la levée de boucliers et des critiques par les analystes à la petite semaine et les politologues autoproclamés, suite à toute mesure prise impliquant l'un des départements relevant de sa composition. Et peu importe alors d'où s'expriment ces exégètes. Ils peuvent être étrangers, ce qui est exceptionnel, et nationaux, ce qui est le plus courant. Ce ne sont pas les propos tenus par un «expert» d'entre eux mais une expression émise par l'un des économistes les plus influents du XXe siècle, prix Nobel d'économie en 1976. Mais si Milton Friedman a fait autorité en la matière, il n'en demeure pas moins qu'il serait ridicule d'affirmer la même chose pour la cohorte de cassandres qui a fait florès, profitant de la conjoncture politique, économique et stratégique mondiale et de tous les tumultes induits sur tous les plans. Il n'y a nul besoin de remonter loin pour saisir l'ampleur du gâchis de la dernière crise financière et des déclarations rassurantes ayant précédé l'effondrement des banques américaines, asiatiques et européennes d'économistes de renommée planétaire. En fait, un vrai fonds de commerce est né ces dernières années, offrant la latitude à des théoriciens qui façonnaient volontairement ou involontairement le monde selon leur propre perception des choses, pis, selon leur ego et non dialectiquement. Sous d'autres cieux, ces penseurs, spin-doctor, voire gourous de grands décideurs parmi lesquels d'importants chefs d'Etat, n'ont d'égal en fait que les conséquences désastreuses et parfois dramatiques résultant de leurs conseils, de leurs orientations et plus terre à terre de leur art de la communication politique ou du moins celle qu'ils impriment à ceux qui les hébergent. L'exemple parmi les plus frappants de la question est celui de l'Irak et des gros mensonges distillés par tous les spécialistes possibles, politologues et géo-stratèges qui ont littéralement squatté les rédactions de la presse écrite et sont littéralement incrustés sur les plateaux de télévision du monde entier pour stigmatiser un pays, une nation à travers son dirigeant, en l'occurrence Saddam Hussein, jusqu'à ce qu'il arrive ce qui devait arriver et jusqu'à ce que l'opinion internationale apprenne un jour, après que le mal eut été fait, que tout cela n'était en fait qu'une énorme méprise. Ou plutôt une abominable manipulation de masse. En réalité, parce que l'Europe et les Etats-Unis ne partagent pas les mêmes intérêts dans une région donnée du monde, la course à la fabulation pour ne pas dire l'intox ne peut que prendre des dimensions machiavéliques. Pour en revenir à notre pays, encore heureux que les quatre ou cinq décrypteurs de l'état des lieux locaux, toutes spécialités confondues, ne font pas dans l'analyse de haute voltige et pour cause leurs limites dans un domaine donné et/ou les risques de se tromper, les probabilités sont nombreuses et l'expérience en a apporté la preuve par le passé sauf qu'une amnésie générale à tous les niveaux fait passer par pertes et profits ces risques d'erreur, n'y vont pas sans filet de protection. Du coup, leur science empirique à souhait n'est consommable que par le citoyen lambda, ce qui est d'ailleurs l'objet de leurs attentes sans nul doute pour péché de popularité pour ne pas dire de populisme. Néanmoins, leur impact sur la réalité de tous les jours n'est pas négligeable, loin s'en faut, en raison des dommages collatéraux qui peuvent être causés notamment s'ils sont amplifiés par des relais médiatiques volontaires ou involontaires, lesquels, à leur tour, à la seule idée d'imprimer leur propre cachet, leur ligne en décuplent l'alarmisme ou le leurre. Il n'est pas exclu, bien au contraire, que l'Algérie ne soit pas victime d'erreurs de choix politiques ou stratégiques. L'implication directe du président de la République et l'annulation du projet de loi sur les hydrocarbures ou encore la révision de la privatisation tous azimuts engagée à la hussarde dans le secteur économique en sont un exemple vivant. Même si ces mauvais choix peuvent être le fait d'une volonté délibérée ou non même si la deuxième hypothèse est à retenir compte tenu du fait que les deux ministres concernés jouissent toujours de la confiance du chef de l'Etat. Mais tout cela n'empêche pas, toutes proportions gardées, que le refus d'admettre ces mauvais choix et l'obstination de les mener à bout auraient mis en péril les équilibres politique, social et économique, des équilibres, est-il besoin de le rappeler, obtenus au prix de grands sacrifices consentis par le peuple, une équipe gouvernementale en grande partie inamovible mais dont la continuité s'est avéré et continue de s'avérer payante globalement et certaine discutable pour un ou deux secteurs au cours du premier quinquennat de Bouteflika. Et cela n'échappe donc pas à l'homme de la rue, au citoyen lambda, qui fait sa propre lecture de la situation sans besoin d'attendre que cela lui soit expliqué par un «expert», lequel n'hésite néanmoins pas à affirmer qu'il exprime… l'opinion nationale. Quoique, à ce stade de la cogitation intellectuelle, bien des journalistes qui s'attribuent d'autorité le titre de faiseurs d'opinions franchissent allègrement le gué et vaticinent à tout bout de champ sur l'avenir politique du pays. A tort ou à raison ? Certainement plus à tort qu'à raison, sachant que le discours est le même et que l'Algérie n'est toujours pas le Sodome et Gomorrhe annoncé. Pour conclure, il serait absurde d'affirmer que la gestion des affaires publiques se fasse sans la présence de personnes qui, au-delà de penser pour les autres, sont surtout utiles, parce que, en raison de leur omniscience, ils restent les garde-fous essentiels et incontournables dans une société. La démocratie et ses vertus comme les sciences ne datent pas d'hier. Il faudrait néanmoins savoir raison garder, du moins pour nos enflammés politologues, experts, etc. qu'il ne suffit pas de s'exprimer dans un journal, y avoir sa photo, dire ses convictions mais également d'admettre ses erreurs le cas échéant. Or, cela n'a jamais été le cas et comme tout va très vite dans notre pays et à telle enseigne que tout le monde en est devenu amnésique, il est peu probable que ceux qui se trompent fassent pénitence. L'orgueil est un autre propre de l'Homme. Et juste pour l'anecdote, rappelons cette triste tournure prise pour Bernard Henri Levy, l'hypermédiatisé philosophe français, pris en flagrant délire de citation d'un penseur qui n'a jamais existé, en l'occurrence un certain Botul, penseur de son état et fruit seulement de l'imagination de deux journalistes. Serait-ce alors le temps des grandes impostures ?