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Les familles de Zaatcha contestent leur relogement
Elles ne veulent pas des F2 qu'on leur a attribués hier
Publié dans La Tribune le 14 - 04 - 2010


Photo : S. Zoheir
Par Abderrahmane Semmar
Les opérations de relogement se poursuivent à Alger mais ne se ressemblent pas. Après le relogement des 925 familles, il y a de cela deux semaines, du grand bidonville de Doudou Mokhtar, situé sur les hauteurs de Hydra, hier, c'était au tour des 197 familles des chalets de Zaatcha de retrouver enfin un toit décent. Cela devait être, en toute logique, un moment de grand bonheur et de joie pour ces familles qui ont connu les privations ainsi que la misère dans des habitations précaires depuis des décennies. Mais, il n'en fut rien puisque c'est plutôt la colère et l'exaspération qui se sont emparés de ces familles au moment où elles ont découvert leurs futurs appartements dans la nouvelle cité de Tessala El Merdja, située à quelques encablures de Birtouta.
Ainsi, hier matin, au pied des bâtiments flambant neufs de cette nouvelle cité, laquelle compte d'innombrables espaces verts, aires de jeu et une jolie fontaine, la déception était visible sur la plupart des visages que nous avons rencontrés. Assis sur les trottoirs face à leurs camions surchargés de meubles et de valises, de nombreux habitants de Zaatcha nous ont exprimé leur sentiment d'injustice. Croyant que la vie dans les baraques de fortune, confrontée aux aléas de l'insécurité et aux maladies n'était plus qu'un lointain mauvais souvenir, un bon nombre de ces familles ont été, plus tard, «choquées» par l'étroitesse et l'exiguïté des F2 qu'on leur a attribués.
«Toutes nos familles comptent au moins 7 à 8 membres. Alors comment voulez-vous qu'on se case convenablement dans ces nouveaux appartements», s'écrient une femme avec son bébé dans les bras devant l'unité de gestion de l'OPGI d'Hussein Dey, le concepteur et le gérant de la nouvelle cité de Tessala El Merdja. Les larmes et les cris de cette femme n'ont pas manqué de provoquer un rassemblement de mécontents devant un cordon sécuritaire vigilant et aux aguets. Plusieurs bénéficiaires de ces nouveaux appartements se sont attroupés pour crier haut et fort leur colère en demandant un changement de logement. «Auparavant, j'avais une baraque de deux étages et maintenant on me case moi et ma famille dans deux pièces. C'est celle-là la solution que nous propose l'Etat ? Qui va dormir dans ces pièces, mes filles ou mes garçons ? La vérité, c'est qu'on nous a arnaqués sur ce coup. Croyez-moi, beaucoup d'entre nous ont décidé de revenir à leurs baraques de fortune. Il n'est pas question pour nous de rester ici», lance Mohamed, le visage marqué par la hargne, sur un ton emporté. Comme lui, ils sont nombreux à venir déposer un recours et exiger des explications.
Dès lors, force est de constater que les F2 de cette nouvelle cité ont paradoxalement crispé les mines des 105 familles originaires de Zaatcha qui ont été relogées dans ces lieux établis au cœur de la Mitidja. A les entendre, bénéficier d'un logement à deux pièces est loin de régler leur problème. D'ailleurs, plusieurs familles ont laissé leurs affaires dans les cages d'escalier ou carrément au seuil du bâtiment pour ne pas encombrer davantage leurs nouvelles habitations. D'autres ont carrément refusé d'emménager dans ces appartements. Laissant leurs meubles dans les camions, ils ont décidé tout bonnement de rebrousser chemin. «Nous sommes une famille de quatorze personnes, dont deux de mes enfants sont mariés. Ils m'ont attribué un F2, alors que d'autres familles moins nombreuses ont bénéficié d'un F3. C'est injuste et incompréhensible», déplore une mère de famille accompagnée de son jeune fils. Celui-ci menace les représentants de l'OPGI d'Hussein Dey de revenir au bidonville pour reconstruire encore d'autres baraques de fortune. «Et cette fois-ci personne ne pourra me déloger. Je suis prêt à mourir pour ne pas subir cette humiliation. J'ai passé toute ma vie dans la galère et maintenant on veut me faire taire avec un F2. On ne cessera jamais de demander nos droits», peste-t-il. Relevant notre présence sur place, ses compagnons accourent pour nous apostropher et s'écrient : «On est prêt à relouer et à revendre ces appartements minuscules. Avec l'argent qu'on récoltera, on ira chercher un entrepreneur pour construire des habitations plus spacieuses dans notre bidonville et à ce moment-là ni les gendarmes ni la police ne pourront nous expulser.»
Il est à noter que, face à ces déclarations dangereuses, les représentants des autorités publiques n'ont guère réagi. Des citoyens voulant interpeller certains responsables de l'OPGI se sont heurtés à la fermeté des agents de l'ordre. Dès lors, un dialogue de sourds s'est installé sur les lieux. Dans cette situation, la tension et le mécontentement des familles sont montés d'un cran. En tout cas, rares ont été celles qui nous ont fait part de leur satisfaction en occupant les nouveaux logements. «L'espace est tellement exigu que nous comptons transformer la cuisine ou encore la salle de bains en pièces habitables. Dans ce contexte, la plupart des familles préféreront revenir à leurs anciennes baraques où chacun vivait dans sa propre pièce», témoignent un père de famille.
Face à ces cris de colère, le directeur de l'OPGI d'Hussein Dey, Rehaïmia Mohamed, s'est montré pour sa part inébranlable.
Ce responsable nous a assuré que les familles les plus nombreuses de Zaatcha ont bénéficié de 44 appartements type F 4 à Djenane Sfari dans la commune de Birkhadem.
«24 autres familles ont été dirigées vers Tixeraïne, 6 à Bordj El Bahri et 10 à Souidania», remarque-t-il.
Quant à l'exiguïté des appartements de la cité de Tessala El Merdja, le premier responsable de l'OPGI d'Hussein Dey fait savoir que les proportions de ces logements ont été soigneusement étudiées au préalable. «Avant d'être relogées, ces familles vivaient dans des baraques d'à peine 30 mètres carrés. Et maintenant, lorsqu'on leur donne des appartements de 60 mètres carrés, elles trouvent qu'ils sont exigus. Je crois que, derrière ce discours, il y a anguille sous roche», relève M. Rehaïmia qui nous apprend également que ces logements font partie du programme social locatif, lequel relève du programme quinquennal 2004-2009. «Mais à l'avenir, il n'y aura plus de F2», précise néanmoins notre interlocuteur.
Signalons enfin que les prochaines opérations de relogement reprendront en mai prochain et concerneront surtout les habitants des chalets, les immeubles menaçant ruine ainsi que les familles vivant dans les cimetières. A la fin de l'année en cours, d'autres opérations seront lancées au profit des bidonvilles de la périphérie d'Alger.


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