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La grande peur d'un Etat national
Le patriotisme économique vu par les Occidentaux et leurs relais en Algérie
Publié dans La Tribune le 20 - 05 - 2010

Publiée dans le Financial Times, l'information a été reprise par El Watan de lundi dernier. Les petites mesures de sauvegarde prises par le gouvernement algérien inquiètent bien au-delà de nos prêtres locaux du marché. La Grèce brûle, la contagion a déjà touché l'Espagne et le Portugal, elle rôde dans Paris, soupèse Rome, mobilise 700 milliards d'euros pour le cas où… Et fait franchir le Rubicon d'un contrôle européen, par Bruxelles, des budgets nationaux avant leur passage aux différents Parlements. La démocratie est une chose trop sérieuse pour la laisser aux représentants directs des peuples. Bref, le bateau a toutes les apparences du naufrage mais on nous invite quand même à y prendre place. Le Financial Times s'occupe de l'Algérie et prévient que sa nouvelle stratégie la mènera à l'isolement et à plus de problèmes. Quelle nouvelle stratégie ? Des aménagements ne font pas une nouvelle stratégie. L'Algérie a, selon ce journal, fait vraiment le mauvais choix de prendre des mesures de sauvegarde rangées sous la formule voulue repoussante de «politique nationaliste». Nationaliste, cela fait chauvin, fermé, obtus, ringard, hors du temps. Car le temps est à la mondialisation. «Patriotisme économique», c'est mieux : cela fait résistance à l'envahisseur, à une éventuelle cinquième colonne, à une avance inamicale, etc. Surtout si elle préserve la gestion d'un port américain, d'un fonds arabe, d'une marque française de yaourt, d'une OPA américaine, l'électricité espagnole des convoitises italiennes ou Volkswagen de toute visée étrangère. Le moment doit présenter de sérieux risques pour que les prêtres du marché, d'ici et d'ailleurs, se mobilisent avec autant d'unisson. Et sonnent l'alarme avec autant d'énergie pour quelques mesures très modérées pour endiguer l'import/import et l'hémorragie de devises qui vide le pays.
L'hémorragie visible par le commun des mortels et qui concerne le paiement des importations. Et l'hémorragie invisible constituée par les transferts des dividendes et bénéfices des compagnies pétrolières et de cette multitude d'entreprises étrangères qui ont expatrié plusieurs fois leur mise de départ. Sans parler des méthodes et des procédures qui leur ont permis d'investir avec l'argent des banques algériennes et de revendre à des sociétés étrangères en en tirant des plus-values fabuleuses. Cette politique devait déboucher sur une accumulation des richesses, des capitaux et une mise à niveau de l'économie du pays. Dans la réalité et sur la base du bilan réel, elle s'est transformée en gigantesque siphonage de la rente que nous offre le pétrole. Le tableau général
immédiat est d'une lumineuse clarté. Ces options ont assuré aux compagnies pétrolières un accès garanti et protégé à nos ressources. Elles ont assuré, par ailleurs, des rentes de situation comme les cimenteries ou El Hadjar pour lesquels la demande ne pouvait se démentir. Elles ont offert des marchés captifs comme la téléphonie pour les assurances et certaines activités bancaires comme le crédit à la consommation auxquelles elles ont pavé le chemin. Elles ont démantelé les barrières douanières et tarifaires pour faire de notre pays un véritable déversoir des industries étrangères. Mieux, nous avons facilité cette importation en accordant des crédits pour acheter ces productions étrangères. Du jamais-vu ! Et nous avons assuré le maintien de l'emploi dans ces industries cédées au «partenariat» quand nous licencions par milliers dans les branches du secteur industriel qui crient au secours. Résumons : nous avons d'un côté un accès garanti aux matières premières, des secteurs captifs offerts en cadeau et une importation tous azimuts des produits manufacturés. C'est exactement cela la définition de la condition coloniale, la présence des troupes étrangères en moins : un accès aux ressources minières et un débouché pour les industries des métropoles coloniales. Et la comparaison ne s'arrête pas là. Le colonialisme a apporté dans notre pays comme dans les autres colonies le capitalisme qu'il a plaqué sur un pays précapitaliste. Au bout de 130 années, ici comme ailleurs, ce secteur capitaliste n'a produit aucun effet d'entraînement. Le pays était coupé en deux : une zone de production et d'échanges capitalistes et un pays avec des rapports sociaux non marchands, claniques. Le colonialisme est une enclave capitaliste tout entière tournée vers les profits de la puissance coloniale. Que nous ont ramené de fait les facilités offertes aux investisseurs étrangers ? Aucun effet d'entraînement sur le pays. Ni accumulation ni industrialisation mais essentiellement du commerce et des échanges déséquilibrés. Les promesses de la prospérité se sont transformées en amère réalité du pillage. Et nul investissement capable d'impulser une dynamique de développement et d'acquisition des technologies et des savoir- faire. Les chiffres parlent d'eux-mêmes. Pour ce «prometteur» accord d'association avec l'Union européenne, le ministère du Commerce a fourni des chiffres qui ressemblent à une massue : pour un dollar exporté vers l'Union européenne, nous en importons pour dix dollars. Bien sûr, on va nous sortir les «explications» habituelles. Les industriels algériens ne sont pas au niveau, leur produits ne sont pas aux normes, etc. etc. Parce que, avant de nous proposer cet accord léonin, les responsables de l'Union européenne ne connaissaient pas l'état des lieux ? La réalité reste qu'on a mis sur le même ring du marché un poids lourd face à un poids mouche. Deux siècles d'industrialisation face à un petit réseau qui n'aura vécu que quinze ans avant d'être dépecé. Deux conditions ont accompagné et aggravé ce déséquilibre, cette concurrence entre un David désarmé de sa fronde et un
Goliath instruit par sa longue domination des peuples. La première condition était que notre Etat renonce à son rôle d'investisseur économique. Les infrastructures, c'était d'accord. D'autant plus d'accord que les projets étaient lourds et donc demandeurs d'entreprises et d'équipements étrangers. C'était tout bénéfice ; on importait tout. La deuxième était la privatisation tous azimuts. Le démantèlement de ce qui restait du charcutage du secteur public. Dans cette histoire de ring, deux remarques prennent une importance capitale. C'est l'Union européenne qui a fixé les règles. On nous dira que ces règles ont été négociées. Et acceptées par l'Algérie en toute connaissance de cause. Oui, peut-être, mais en contrepartie de promesses qui n'ont pas été tenues. La suite, nous la connaissons. C'est l'Algérie et les Algériens qui n'ont pas su profiter des opportunités, qui n'ont pas montré «d'intelligence économique», qui ne se sont pas mis à niveau, etc. La réalité reste que, par des pressions externes et internes, par des méthodes tortueuses, l'Etat algérien a accepté de jouer le jeu dans une logique sur laquelle il n'avait aucune influence, aucune possibilité d'action. Ce processus ne s'est pas réalisé du jour au lendemain. Depuis trente ans maintenant, de restructuration en réformes, des forces internes et externes ont réussi à désarmer l'Algérie sur le plan industriel. Trente ans pour le désarmement de notre pays. Un expert de l'Union européenne regrettait la lenteur de ce processus, dans un entretien accordé à El Watan. Il l'imputait à la présence de trop de cadres «marxistes» dans l'Etat algérien. Il restera, lui aussi, le seul à les avoir rencontrés et il lui sera difficile de comprendre, pour lui comme pour d'autres, que l'idée nationale reste ancrée malgré tous les efforts faits pour la détruire. Ce processus ne pouvait se réaliser, non plus, sans l'émergence progressive de groupes oligarchiques dont les fortunes se sont construites sur l'import/import et dont les «activités industrielles», quand elles existent, se résument à faire de l'emballage pour produits finis ou presque finis, à faire du montage ou à mélanger du gaz et de l'eau pour faire des sodas. Or, il est impossible pour ces groupes oligarchiques de penser en termes nationaux. Seule la notion de marché peut jouer ce rôle d'illusion que notre situation est le résultat de données et de contraintes immanentes, à un marché tout à fait conforme à «la nature de l'homme». Cette version de la fatalité du marché n'est qu'une version de la fatalité tout court. Le mektoub. Alors les rêves de la jeunesse, le besoin de trouver un travail, de vivre décemment, d'accéder à l'enseignement, à la santé, à la culture, au sport et de nourrir des ambitions doivent passer à la trappe. C'est pour cela que, dans cette campagne –peut-on l'appeler autrement ?– de glorification du «marché», ses promoteurs ont besoin de revenir sur l'époque de l'autogestion et de l'industrialisation. Ils veulent les relier à des conditions exceptionnelles, tellement exceptionnelles, de la guerre de libération et de l'exigence de justice et d'égalité qu'elle a engendrée. Mais souligner ce caractère exceptionnel revient à souligner son caractère anormal, passager, irréaliste. Insoutenable dans la durée. Belle façon de tuer l'espérance et ce pour quoi notre peuple a mené une lutte exceptionnelle.Les gens encore sensés dans notre pays doivent frémir en imaginant les résultats si nous nous étions précipités à privatiser les banques. La logique des banques aurait relayé sans fin la logique du grand capital spéculatif et aurait rendu le pays
exsangue en moins de temps qu'il ne faut pour l'écrire. Quelques questions élémentaires restent en suspens. C'est bien l'Etat algérien qui a élaboré les lois, les codes, les facilitations qui ont permis à ces entreprises de venir ? Elles ont donc choisi notre pays sur la base d'une intervention de l'Etat. Et pour ceux qui ont une bonne mémoire, l'Etat algérien a adopté cette politique d'ouverture d'abord sous la contrainte du Plan d'ajustement structurel imposé par le FMI en échange des prêts consentis vers 1988. Il a montré ensuite une franche adhésion à ces orientations en optant pour ce qu'on appelle «l'économie de marché». Les pressions internationales comme les «conseils amicaux» n'ont pas manqué de le pousser dans cette voie puis de l'y maintenir. Mais il faut rappeler aussi que ces conseils s'accompagnaient de promesses d'investissements étrangers (les IDE). La promesse dans son «économie» générale laissait entrevoir un déferlement d'investissements. Evidemment, rien n'est arrivé de toutes ces promesses. Les investissements pétroliers pour s'assurer l'accès aux ressources, oui. Les investissements assurés d'un retour quasi immédiat –sont-ce des investissements ? – dans les services. Des investissements dans les tenues des commerciaux et des hôtesses pour la vente de tous les produits finis possibles et imaginables. Cet Etat qui a pris tant de mesures pour faciliter ce type d'investissement, c'est l'Etat des oligarques, des importateurs. D'oligarques et d'importateurs incapables de penser «Algérie» dans la diversité de ses besoins et de ses problèmes. Leur seul souci, c'est de prendre tant que la rente est là, c'est d'accaparer la rente pour leur caste ; parce que ce n'est même une classe sociale. Le résultat est que cette politique a détruit les premiers éléments constitutifs d'une bourgeoisie nationale tels que nous les connaissions en 1962. Et tels qu'ils se sont développés sous Boumediene et à la faveur de la politique d'industrialisation. (Il faut espérer que monsieur Hamiani se souvient des tissages Gougeat de Chebli comme des chemises Redman). Car cette bourgeoisie nationale s'est développée sous Boumediene et sous la politique de protection de la production nationale. Mais les prêtres du marché n'aiment pas les chiffres et les réalités. Ils préfèrent les messes religieuses. Cette bourgeoisie était incapable, au vu de son accumulation et de sa richesse, d'engager le processus d'industrialisation. L'Etat devait l'assumer. Aujourd'hui, ces éléments se sont petit à petit trouvé des intérêts et des profits fantastiques dans l'import/import et ils veulent encore plus d'ouverture et plus d'import pour
gagner plus. Les journaux aussi pour avoir plus d'annonces publicitaires. Devenus compradores, ces éléments de bourgeoisie recyclés en familles ligarchiques veulent continuer la sape de l'Etat national né en 1962 et affirmé sous Boumediene dans la confrontation avec les puissances néocoloniales. Ces oligarchies ne sont pas contre l'idée d'un Etat, loin de là : elles veulent qu'il coupe avec ses premières vocations nationales et deviennent leur Etat exclusif. Un Etat néocolonial. Cela veut dire qu'elles écartent l'ensemble du peuple de la redistribution de la rente pétrolière en lui laissant, bien sûr, les aumônes d'Ould Abbès. La grande peur du capital étranger et du sous-capital de l'import/import se résume finalement à cela : la crainte du retour d'une vocation nationale de l'Etat algérien.
M. B.


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