De notre correspondant à Bouira Nacer Haniche à l'instar des autres régions du pays, la wilaya de Bouira a fait un bond sur le plan de la santé et du développement économique et social. Cela s'est traduit par le nombre d'entreprises et d'établissements publics réalisés ces dernières années, mais aussi par le taux de scolarisation et de formation enregistré au niveau des établissements scolaires et de formation professionnelle, ainsi que de l'enseignement supérieur, renforcé en 2002 par la création d'un centre universitaire au niveau du chef-lieu. Malgré cela et l'impact qu'ont les nouvelles technologies de communication sur la société, de larges couches de la population sont toujours sous l'emprise des fausses croyances et des pratiques n'ayant aucun lien ni avec la vie moderne ni avec la religion. En 2010, nombreux sont les citoyens qui croient encore aux bienfaits de l'exorcisme, du charlatanisme et des miracles faits par des guérisseurs dans le traitement de certaines maladies. De jour en jour, en dépit de l'évolution des mentalités et du mode de vie, ces pratiques trouvent toujours des adeptes dans les grandes agglomérations et les localités rurales. Ces pratiques gagnent du terrain, après avoir conquis de larges couches de la population, notamment celles vivant dans les affres de la pauvreté, du chômage, de l'analphabétisme et du vide culturel. Les Algériens sont de plus en plus nombreux à croire et à vénérer les auteurs de ces pratiques. Les charlatans, les cheikhs, les raquis, les exorcistes passent pour être des personnages divins capables d'apporter le bien-être (bonheur, paix, santé et prospérité) avec de simples potions magiques et des versets du Coran. Dans la wilaya de Bouira, les citoyens préfèrent y avoir recours loin des regards indiscrets du milieu familial et du voisinage. Saharidj, Chorfa, Bouira, El Esnam, El Adjiba, Aïn Bessam, Sour El Ghozlane sont citées parmi les régions où des hommes et des femmes de toutes catégories d'âge et de niveau social vont consulter un guérisseur ou un cheikh pour qu'il vienne à leur secours et apporte un remède à leur état de santé physiologique ou psychique. La majorité des malades y vont pour régler des problèmes familiaux (célibat, stérilité, infertilité, infidélité, dépression, maladies chroniques…) jusqu'aux problèmes liés au chômage, à l'échec social et professionnel. Selon des personnes interrogées, les citoyens croient à ces pratiques pour plusieurs raisons. Il y a d'abord ceux qui l'attribuent à l'attachement des Algériens à l'islam. Certains précisent que le Prophète (QSSSL) lui-même pratiquait la roquia chaque nuit avant de dormir, mais les autres pratiques, l'invocation des djinns et l'établissement de talismans (harz), sont bannies par la religion et ils les considèrent comme blasphématoires. D'autres personnes voient chez les citoyens qui fréquentent les exorcistes une perte de confiance en soi et même un manque de foi en Dieu. Ils ont recours à n'importe quel charlatan croyant ainsi régler leurs problèmes. Ce phénomène est en recrudescence ces dernières années à cause de la prolifération des maux sociaux, de l'érosion du pouvoir d'achat, de la montée de l'intégrisme notamment durant la dernière décennie. Ainsi, au niveau de la région, les charlatans usent et abusent, dans la discrétion totale, de l'ignorance et de la souffrance des citoyens. Faisant fi des préceptes religieux et de la réglementation, ils évoluent dans les soubassements de la société qu'ils exploitent tels une mine d'argent ou un terrain de chasse gardée en attirant une clientèle acquise composée de personnes au cœur et à l'esprit fragiles. Dans le même registre, d'autres guérisseurs autoproclamés se sont transformés en «chirurgiens», exerçant à l'abri des regards et pratiquant la hedjama, qui consiste, selon certains adeptes, en un acte de purification où les personnes concernées (des malades ou des individus convaincus par cette pratique) sont vidées d'une partie de leur sang (mauvais sang) au niveau du dos, du cou et parfois de la tête à l'aide d'un verre, de la fumée et d'une lame de rasoir. Le prétendu chirurgien pratique une entaille centrée afin d'extraire le sang. Cette intervention, qui dure quelques dizaines de minutes, est gratuite. Mais elle est estimée entre 200 et 300 DA chez certains praticiens qui reçoivent leurs clients sur rendez-vous uniquement.Par ailleurs, au niveau du marché hebdomadaire de Bouira et de ceux d'autres localités de la wilaya, le commerce informel et le trabendisme sont exploités par une autre catégorie de guérisseurs écoulant des quantités énormes de produits mystiques, de potions magiques et d'autres remèdes prétendument extraits d'herbes ou de grains sacrés, sous le regard des autorités. Ces «guérisseurs» prétendent soigner plusieurs maladies. Avec des moyens simples et sans aucune autorisation, ils arrivent à attirer une foule nombreuse dans un espace réduit. Le vendredi, des curieux et autres crédules se rassemblent autour d'un tapis sur lequel sont exposés des paquets, des boîtes et des fioles contenant des produits, des feuilles de papier sur lesquels sont rédigés des versets coraniques, des livres n'ayant aucun rapport avec le sujet ni aucune discipline scientifique, des schémas du corps humain, des racines et des herbes séchées, ainsi que quelques bouteilles contenant un remède miracle ou on ne sait quelle «potion». Pour compléter le décor, le vendeur ou le prétendu «toubib» réussit à attirer par le verbe et les paroles dosées de versets coraniques et autres promesses de guérison ainsi que des exploits faits par ses produits dans certaines régions du pays. Des propos diffusés par des mégaphones et entendus à des kilomètres avec lesquels ils influencent des citoyens sans doute en détresse et qui n'ont pas pu être soignés. Des propos qui leur permettent d'écouler des quantités énormes de produits miracles et autres fluides dont l'efficacité, l'hygiène et la non-nocivité restent à prouver. Certains vont encore plus loin ; ils essayent leurs produits sur place sur des citoyens. Certains guérisseurs font état de connaissances médicinales, allant jusqu'à exhiber des attestations de formation auprès des laboratoires pharmaceutiques. En fait, tous les moyens sont utilisés pour tromper l'assistance et faire des profits. Subjugués et émerveillés, d'innocents malades et des personnes vulnérables mettent la main à la poche pensant avoir acheté le médicament qui guérirait leur maladie.