L'Algérie a besoin de «centres d'excellence» en matière de recherche en sciences des séismes et tsunamis, a estimé M. Mustapha Meghraoui, du Centre sismologique de Strasbourg (France). Il s'agit, a-t-il précisé à l'APS, de mettre en place des bases de données et une cartographie des zones sismiques en Afrique du Nord pour éviter de lourdes pertes en cas de catastrophe naturelle. Le point de vue de ce chercheur algérien résume les recommandations du colloque international sur les seimes et tsunamis qui s'est tenu du 15 au 21 mai à Bou Ismaïl dans la wilaya de Tipasa. Selon lui, «l'Algérie manque cruellement de données et d'études scientifiques sur la plaque tectonique de l'Afrique du Nord. La seule certitude, aujourd'hui, est que cette zone est marquée par une forte activité sismique». Pour y remédier, il faut confier la tâche aux scientifiques et jeunes doctorants, a-t-il estimé. Commentant les conséquences de l'absence de base de données fiables, il a cité la «zonation sismique» (classification par zone par rapport à l'activité sismique) faite en Algérie qui, d'après lui, est «erronée quand on voit par exemple Oran et Guelma classées dans les zones intermédiaires alors qu'elles devraient l'être sur la liste une, selon les observations des scientifiques». Il existe des zones silencieuses mais, selon lui, cela n'est pas significatif de l'absence de danger. La seule façon de le savoir est de faire des études approfondies de la plaque nord-africaine et de la faille, à l'aide d'instruments modernes tels que le GPS ou le radar par satellite pour voir les déformations géologiques le long de la ligne de plaque. Il a insisté sur la multiplication des recherches à confier aux étudiants et chercheurs algériens, lesquels sont capables de les mener et de partager les informations et données existantes pour mieux appréhender le phénomène du séisme qui ne connaît pas de frontières. Dans ce sens, il a donné l'exemple du séisme de 2000 à Taïwan qui a fait l'objet d'une distribution de données par les autorités chinoises qui ont mis à la disposition des chercheurs présents à une rencontre internationale à San Francisco des CD contenant toutes les données recueillies pour profiter des connaissances de leurs homologues. Interrogé sur l'existence d'une centaine de stations GPS en Algérie, chiffre avancé par le directeur du CRAAG, M. Meghraoui dit avoir appris la nouvelle au cours de ce colloque sans toutefois se départir de son scepticisme quant à l'analyse des données recueillies et qui sont déterminantes pour une bonne appréhension du phénomène dans la partie nord-africaine. Etant donné l'étendue du territoire algérien, il faudrait, a-t-il souligné, des dizaines de stations disséminées à travers tout le pays, avec une analyse des données, pour aller vers une bonne prévention des risques et des prévisions mais non de prédiction. Des propositions ont été faites durant le colloque de Bou Ismaïl, a-t-il rappelé, comme celle du recteur de l'université de Sétif, qui va lancer un centre de recherche ainsi qu'une promotion de doctorants spécialisés en recherche sismologique. Une coopération internationale en Afrique du Nord et en Méditerranée est indispensable, a-t-il encore souligné. Celle-ci existe déjà au niveau des scientifiques, mais il reste aux pouvoirs publics à mettre en place un organisme, quelle que soit sa forme, pour organiser cette réflexion commune au profit de tous et réduire l'hécatombe des victimes des tremblements de terre, 560 000 pour la dernière décennie. Par ailleurs, sur le terrain des implications de ce genre de catastrophe naturelle, le ministre de la Solidarité, de la Famille et de la Communauté nationale à l'étranger, M. Djamel Ould Abbes, a effectué hier, selon l'agence de presse algérienne (APS), une seconde visite dans les communes de Ouennougha et de Beni Ilmène à M'sila sévèrement touchées par un séisme la semaine dernière. Le ministre a souligné que cette seconde visite fait suite à des instructions du président de la République, M. Abdelaziz Bouteflika, qui «suit de près l'évolution de la situation comme le démontre le déplacement de quatre ministres en moins d'une semaine dans les deux communes concernées», a-t-il indiqué. M. Ould Abbes a affirmé que la gestion de cette crise, consécutive à une catastrophe naturelle, doit être conduite dans le calme, sans être parasitée par une quelconque forme d'opportunisme visant à bénéficier d'avantages indus. Au cours de cette visite, le ministre a présidé, après avoir présenté ses condoléances aux familles des 3 victimes décédées, une cérémonie au cours de laquelle ont été distribués 6 bus au profit des deux communes, ainsi que 30 tenues sportives à l'équipe de football de Ouennougha. Près de 1 400 tentes ont été plantées pour héberger provisoirement les sinistrés du séisme dans les deux communes, en attendant la reconstruction ou la restauration des constructions endommagées, a-t-on appris au cours de cette visite. Le ministre de la Solidarité, de la Famille et de la Communauté nationale à l'étranger a également rappelé que son département ministériel s'apprête à présenter un projet de plan d'intervention pour faire face aux catastrophes naturelles. Ce plan d'intervention, dont il avait fait l'annonce vendredi dernier à Alger, au forum d'El Moudjahid, organisé à l'occasion du 7ème anniversaire du séisme de Boumerdès (21 mai 2003), tient compte des régions les plus exposées aux activités sismiques et celles menacées par les inondations. Selon la cellule de crise de la wilaya de M'sila, les pertes matérielles subies dans les communes de Ouennougha et Beni Ilmène, à la suite du séisme de vendredi et de sa réplique de dimanche, sont évaluées à trois milliards de dinars. R. N.