Photo : Slimene S.A. «Toute l'Algérie du nord est une zone à risque sismique ». Ce « malheureux » constat revenait tel un leitmotiv sur les lèvres des chercheurs ayant pris part hier à une conférence internationale sur « la géophysique, géodésie et tectonique de la limite de l'assiette de l'Afrique du nord pour de meilleures évaluations des risque des séismes et des tsunamis ». Cette rencontres s'est tenue au niveau de l'unité des équipements solaires de Bousmail à l'initiative de la direction générale de la recherche scientifique et du développement technologique du ministère de l'Enseignement supérieur et de la Recherche scientifique en collaboration avec le centre international «Abdus Salam » de physique théorique de Trieste d'Italie. Compte tenu de l'importance de cette problématique « transnationale », cette rencontre a été sanctionnée par la décision de mettre en place prochainement une université internationale en Algérie dédiée à la recherche en sismologie et en tsunamis et ce dans l'optique de réaliser un centre national au service de toute la zone nord-africaine, elle aussi concernée par ce phénomène.Cette université sera totalement financée par les Nations unies, a fait savoir Abdelhafid Aourag, directeur général de la recherche scientifique et du développement technologique. Cette structure permettra de réaliser des études approfondies sur le phénomène des tremblements de terre et des tsunamis tout en collectant l'ensemble des données les concernant en particulier dans la région nord-africaine qui est mal connue, selon les chercheurs. L'université, a ajouté M. Aourag, sera par la suite jumelée au Centre de recherche internationale en sismologie, situé au Japon, pour « coordonner tous les efforts consentis en ce sens et des mesures de prévention et d'éducation à développer en direction des populations pour y faire face ». L'Algérie peut-elle connaître maintenant d'éventuels tsunamis ? Karim Aoudia, représentant du centre international de physique théorique, affirme qu'il est impossible de faire des prévisions en ce sens, mais certifie-t-il, « le risque tsunami existe aussi bien pour nous que pour les pays de la rive nord de la Méditerranée. La rencontre, quant à elle, vise, entre autres, la mise en place de réseaux de chercheurs et spécialistes en Méditerranée et en particulier en Afrique du nord pour mieux connaître la plaque nord-africaine. Pour ce responsable, les séismes ne connaissent pas de frontières et ne nécessitent pas de « visas ». Il sera à l'avenir plus intéressant de les appréhender de manière coordonnée dans l'ambition de mettre en place une « carte mondiale des séismes ». «ON N'EMPÊCHE PAS UN TREMBLEMENT DE TERRE ON RÉDUIT SES EFFETS » Karim Aoudia atteste de son côté de la nécessité « d'agir vite et bien » en vue d'avoir les moyens appropriés pour faire face à d'éventuels risques. « Etant un grand pays, l'Algérie est exposée à un plus grand risque sismique. « Les failles sismiques ont été détectées notamment au niveau de la zone nord du pays », a-t-il précisé en soulignant qu'il faut impérativement comprendre le potentiel sismogène au niveau de l'Afrique en engageant dès à présent une coopération internationale, dans le souci de cerner au mieux ces phénomènes naturels. Peut-on prévoir ce genre de catastrophe ? Notre interlocuteur répond : « on n'empêche pas un tremblement de terre mais on réduit ses effets. La science nous permet de savoir où le tremblement peut arriver. On n'est pas encore capable de faire des prévisions au jour et à l'heure, mais la science avance ». Cependant, enchaîne-t-il, les cartes sismiques doivent être actualisées et transmises régulièrement au ministère de l'Habitat qui doit légiférer dessus. «BÂTIR EST UN ACTE SCIENTIFIQUE » Yellès Abdelkrim, directeur du CRAAG, affirme que les séismes interviennent tout au long de l'année. Maintenant, recommande-t-il, il faut prendre en compte cette donnée et intégrer cette problématique dans les soucis quotidiens des citoyens. M. Yellès fait remarquer que les autoconstructeurs posent réellement problème, dans la mesure où ils ne respectent pas les normes de construction antisismiques. «Actuellement, indique-t-il, il faut fournir des efforts notamment en matière de sensibilisation, comme cela s'est fait dans le domaine des assurances contre les catastrophes naturelles ». Le DG du CRAAG est catégorique, « il est impossible de faire des prédictions à court terme ». Ce qui oblige à être toujours en éveil et ne céder en aucun cas au relâchement. Suite au séisme de 2003, une loi sur la prévention contre les risques majeurs a été élaborée en 2004, mais hélas l'application fait défaut. Le CRAAG procède en permanence à la mise à jour de la carte sismique algérienne par l'intermédiaire des réseaux de surveillance. « L'acte de bâtir est un acte scientifique. La meilleure prévention c'est la construction antisismique », conclut-il.