Est-ce la fin d'une époque à Wall Street ? C'est la question, parmi d'autres, que se posent actuellement les spécialistes de la finance américaine. Une question qui revient sur toutes les lèvres à la faveur du projet portant réforme de la régulation financière, qui a été adopté dans la soirée de jeudi dernier par le Sénat américain et dont le texte doit être finalisé avant promulgation. En effet, le Sénat américain a approuvé le projet de réforme financière le plus ambitieux depuis les mesures adoptées durant le premier grand choc financier des années 1930. Les spécialistes estiment d'ores et déjà que le projet coûterait très cher aux banques de Wall Street, car il limiterait certaines de leurs activités les plus lucratives. Le fait de l'évoquer, avant même sa signature par Obama, a déjà suscité une polémique entre les adversaires et ses partisans. Toutefois, la position d'Obama, à en croire ses dires, est claire : «Depuis un an, le secteur financier a régulièrement tenté d'empêcher la réforme avec des hordes de lobbyistes et des millions de dollars de dépenses en publicité. Ils ne sont pas parvenus à l'anéantir ni à la couler. Notre objectif ne consiste pas à punir les banques mais à protéger l'économie et le peuple américain du type de cataclysmes que l'on a connus ces dernières années.» Le ton fort adopté par le premier responsable américain trouve son essence dans la «victoire» tirée lors du vote concernant ladite réforme. Un vote dans lequel le président Obama a eu le soutien républicain contrairement à la loi sur l'assurance-santé, adoptée sans aucun appui du parti de son prédécesseur Bush. Que prévoit exactement ce projet ? Les spécialistes en la matière, cités par des agences de presse, expliquent que le texte voté par le Sénat ambitionne de mettre en place un dispositif assurant qu'une crise de la magnitude de celle qui a frappé les marchés financiers après l'explosion de la «bulle» des titres subprimes ne se reproduira pas. Son objectif prioritaire est d'installer des mécanismes de contrôle du «risque systémique». Ses principales mesures sont les suivantes : le contrôle des acteurs, en d'autres termes, un «conseil de contrôle de la stabilité financière», regroupant l'ensemble des organismes de régulation, sera créé. Il devra anticiper l'émergence de risques globaux et la formation de bulles spéculatives. L'autre objectif visé par cette réforme est la création d'un mécanisme qui permettra à l'Etat d'imposer des limites aux actions jugées trop risquées des grandes institutions et dont l'effondrement pourrait faire s'écrouler l'ensemble du système. Toutefois, du côté des adversaires d'Obama, tous les moyens sont bons pour empêcher la réussite d'une telle entreprise. En effet, toutes les grandes firmes de Wall Street commencent à déployer des armées de lobbyistes pour tenter d'influencer le débat législatif, selon le centre de recherche indépendant Center for Public Integrity. «Ce n'est pas bon pour nous», a déclaré sobrement un responsable d'une grande banque de Wall Street. Selon les analystes de Bank of America-Merrill Lynch, la réforme pourrait coûter aux banques de Wall Street entre 30 et 50% de leurs revenus de courtage, ce qui se traduirait par une baisse du bénéfice par action allant jusqu'à 20%. S. B.