«Ça y est, le Mondial 2010 est là !» se réjouit Josiah Motswaledi. A l'image de ce jeune homme de Soweto, qui arbore le T-shirt de la sélection nationale, l'Afrique du Sud se prépare à fêter en beauté la Coupe du monde. «C'est pour Madiba qu'on fait ça, pour notre ancien président Nelson Mandela !» s'enthousiasme Josiah, le crâne dissimulé sous une perruque de clown aux couleurs du drapeau sud-africain. Autour de lui, 76 000 supporteurs en vert et jaune, couleurs des Bafana Bafana (les «Garçons» en zoulou) étaient venus goûter en avant-première les sensations du stade de Soccer City, la gargantuesque calebasse qui accueillera le 11 juin le match d'ouverture du Mondial. Pour ce modeste match, prétexte à l'ouverture officielle de Soccer City, les fans étrennaient de splendides panoplies, avec peaux de léopard et macarapas (casques de mineurs ouvragés). Partout flottaient les vibrants drapeaux de l'Afrique du Sud démocratique. Les désormais célèbres vuvuzelas résonnaient en un charivari assourdissant. Petit à petit, la fièvre du football gagne le pays. Même les quartiers blancs, d'habitude imperméables à la fête des jours de match dans les townships, sont contaminés par la ferveur ambiante. A Johannesburg, au Cap (sud-ouest) ou à Durban (est), il n'est pas un carrefour où les vendeurs à la sauvette ne proposent drapeaux des 32 nations participantes et housses pour rétroviseurs aux couleurs de l'Afrique du Sud. Les vuvuzelas, ces trompettes de plastique typiques des fans de Soweto, retentissent jusque derrière les murs froids qui protègent les maisons des quartiers aisés d'une criminalité endémique. Même la météo s'est mise de la partie : les incessantes pluies des quatre premiers mois de l'année ont cédé la place au ciel lumineux de l'hiver austral. Pourtant, les débuts ont été difficiles. Les ventes de billets ont longtemps peiné, en raison d'un schéma complexe de candidatures sur Internet dans un pays où le Web est réservé à une élite. Les Sud-Africains se sont rués sur les guichets lorsque, à la mi-avril, la Fédération internationale de football (FIFA) avait décidé d'ouvrir la vente en direct, au point que le système informatique de la FIFA a connu des ratés. Près des deux tiers des 2,8 millions de billets ont été acquis dans le pays hôte de ce premier Mondial africain. L'engouement national tranche face à la tiédeur des étrangers, qui seront beaucoup moins nombreux que prévu à faire le long voyage jusqu'au bout de l'Afrique. La distance, la crise économique mondiale et les prix faramineux qu'hôteliers et transporteurs pensaient pouvoir imposer ont découragé nombre de visiteurs, qui ne seront plus que 300 000 au lieu des 450 000 annoncés. Beaucoup de ceux qui voyaient dans la Coupe du monde l'opportunité de se faire une place au soleil ont dû déchanter. A commencer par la multitude de vendeurs qui contribuent en temps normal au folklore du ballon rond sud-africain. Le football aux normes FIFA sera dépourvu des «mamas» qui grillent sur place la viande mangée avec une bouillie de maïs, ou des garçons qui proposent cigarettes à l'unité et sorbets en sachet. «Les alentours des stades, comme les fans parks officiels où les rencontres seront retransmises sur écran géant, sont réservés aux partenaires commerciaux de la FIFA.» Ce devait être une expérience typiquement sud-africaine», regrette Amos Ndlovu, qui vend depuis 14 ans saucisses et côtelettes devant le stade d'Ellis Park, dans un quartier populaire de Johannesburg». Pourtant, ajoute-t-il, nous nous réjouissions de partager notre mode de vie avec les fans étrangers, qui n'ont pas la moindre idée de la façon de servir une tête de mouton par exemple…».