Le Premier ministre thaïlandais a levé, hier, le couvre-feu imposé il y a 10 jours à Bangkok et dans 23 provinces. «Nous n'aurons pas besoin de le prolonger. Nous contrôlons désormais la situation», a expliqué Abhisit Vejjajiva tout en précisant que l'état d'urgence resterait en vigueur. Rappelons que ce couvre-feu avait été imposé après l'assaut final de l'armée contre le camp retranché des militants antigouvernementaux dans un quartier commercial et touristique de Bangkok. Après cette attaque qui avait fait une dizaine de morts, des émeutes et des incendies s'en étaient suivis.Par ailleurs, le Premier ministre a jugé peu probable l'organisation d'élections avant la fin de l'année, comme il l'avait promis à un certain moment aux chemises rouges pour tenter de dénouer la crise. «Je n'ai pas exclu des élections anticipées», a-t-il dit hier devant la presse étrangère. Mais, a-t-il ajouté, «de façon évidente, il est désormais beaucoup plus difficile d'organiser des élections avant la fin de l'année». Car, a-t-il expliqué, «la paix devrait d'abord être pleinement restaurée dans le pays avant d'envisager un scrutin». Le Premier ministre a estimé que «la date de novembre avait été proposée dans l'idée que les manifestants acceptaient le plan dès le départ». Au mois de mai, lors de négociations avec ses opposants, Abhisit avait proposé une «feuille de route» prévoyant des législatives anticipées pour le 14 novembre. Il entendait mettre fin à des semaines de manifestations au centre de Bangkok des «chemises rouges» qui réclamaient son départ et 'organisation d'élections anticipées. Il avait annulé sa proposition devant le refus des manifestants de mettre fin à leur mouvement. Les chemises rouges conditionnaient leur départ à l'inculpation du numéro 2 du gouvernement, le vice-Premier ministre Suthep Thaugsuban, tenu pour responsable des affrontements qui ont fait 25 morts le 10 avril dernier. En fait, tout a commencé au début de l'année avec la décision de la Cour suprême de confisquer la moitié de la fortune de l'ancien Premier ministre Thaksin (environ 1,4 milliard de dollars), jugé coupable d'abus de pouvoir. En réponse à cette décision, le 14 mars, des dizaines de milliers de «rouges» s'installent à Bangkok et y réclament la démission d'Abhisit Vejjajiva. Le gouvernement et les «rouges» entament alors des négociations, mais elles échouent deux jours plus tard avec le refus de dissoudre la chambre basse du Parlement dans les 15 jours. Le 7 avril, l'état d'urgence est déclaré à Bangkok et les premiers affrontements violents entre manifestants et forces de l'ordre éclatent le 10 avril. 25 personnes vont trouver la mort et plus de 800 seront blessées. Le 3 mai, Abhisit Vejjajiva propose une «feuille de route» pour mettre fin à la crise, qui prévoit l'organisation d'élections le 14 novembre en échange d'une levée du blocus. Parmi les cinq conditions du Premier ministre figurent le respect de la monarchie, la lumière sur les violences qui ont fait 27 morts et plus de 1 000 blessés depuis le 10 avril, et un accord sur une réforme de la Constitution. Les «rouges» approuvent mais réclament des engagements fermes sur la date de dissolution de la Chambre basse. Dix jours après, le 13 mai, Abhisit Vejjajiva annule les élections anticipées car les manifestants «n'ont pas évacué» et l'armée boucle le quartier occupé. Le lendemain, des affrontements éclatent, le pouvoir étant décidé à reprendre la zone occupée, si nécessaire par la force. Entre le début des manifestations mi-mars et leur dispersion par l'armée le 19 mai, 88 personnes ont été tuées et près de 2 000 blessées. Abhisit qui avait pris la tête du gouvernement en décembre 2008, à la faveur d'une décision de justice et d'un renversement d'alliances au Parlement, peut ne pas convoquer d'élections avant fin 2011. Cependant, face à la crise, il a estimé que, si toutes les parties impliquées dans cette crise embrassaient le processus de paix et qu'au cours des prochains mois le gouvernement et le Parlement fonctionnaient bien, «alors cela serait le bon moment» pour convoquer les électeurs. H. Y.