Terres désertiques ou mises en jachère volontaire. C'est la vue qui s'offre aux visiteurs de la wilaya de Tiaret en ce début de juin 2010. Pourtant, l'ancienne Tihert est connue depuis des lustres comme étant une région à vocation céréalière. Cet état des lieux n'en demeure pas moins source d'interrogation dès lors que les pouvoirs publics ont décidé depuis une décennie de la mise en place d'une stratégie d'intensification de la production céréalière. Lors de notre passage dans cette wilaya et après avoir parcouru des centaines de kilomètres, il nous est devenu facile d'en déduire que la surface exploitée par rapport à la superficie totale arable de la wilaya de Tiaret est des plus minimes, insignifiantes. Cette situation devrait changer, affirmeront des cadres de la Direction des services agricoles rencontrés lors du lancement officiel de la campagne moisson-battage 2010 par le ministre de l'Agriculture et du Développement rural, Rachid Benaïssa, le 14 juin dernier. «C'est d'autant plus possible que les conditions climatiques se prêtent pour mener les grandes cultures», ajoutent nos interlocuteurs qui expliqueront que «pour ce faire, il suffirait de booster la concession des espaces à mettre en valeur, d'une part, et de convaincre, d'autre part, les propriétaires terriens que la pratique de la jachère à répétition ne saurait leur garantir de meilleurs rendements». A propos de la jachère, on apprendra qu'elle «est devenue au fil du temps une pratique qui aurait tendance à se généraliser dans la wilaya de Tiaret, du fait que la location des terres en friche pour les besoins de pâturage des éleveurs bovins, ovins et caprins est rentable pour les agriculteurs qui la pratique». «La plupart des céréaliculteurs qui pratiquent la jachère sont ceux dont les rendements annuels ne dépassent guère les 7 à 8 quintaux à l'hectare. En somme, et vu les faibles rentrées d'argent qu'ils perçoivent à chaque fin de campagne de moisson-battage, recette qui est nettement inférieure aux frais engagés en début de campagne labours-semailles, ils jugent préférable de laisser pousser les herbes sauvages et d'accorder un droit de pâturage payant aux éleveurs qui les sollicitent au début de l'été que de reprendre du service», expliquent les cadres de la DSA. Il faut rappeler aussi que l'intense et sempiternelle demande de pâturage dans cette région du pays s'explique par le fait que la wilaya de Tiaret est devenue par la force des choses une zone de transhumance des éleveurs de la steppe qui remontent vers le Nord pour faire paître leur troupeau chaque début d'été dans les wilayas du nord des Hauts Plateaux. Toujours dans ce contexte de location de terre céréalière en jachère, des agriculteurs rencontrés dans la région de Machra Sfaa et qui sont versés dans ce type de culture de longue date nous ont affirmé que «la jachère est devenue l'alternative incontournable pour ceux d'entre nous qui n'atteignent pas au moins les 15 quintaux à l'hectare. C'est le minimum de récolte qui permet un retour des frais de campagne engagés, sans plus. Et si ce n'était les prix d'encouragement à la production décidés par l'Etat, beaucoup travailleraient à perte. Vous comprendrez donc pourquoi les agriculteurs qui n'arrivent pas à établir un équilibre entre leurs dépenses et leurs rentrées d'argent, n'ont d'autres solutions que de louer leur parcelles». Ces céréaliers de Machraa Sfa poursuivront dans la foulée que «des rendements d'au moins 25 quintaux/ha, ce que d'ailleurs nous comptons atteindre cette année, nous permettent de faire des bénéfices». Ces bénéfices sont souvent destinés à l'acquisition de matériel roulant et à l'achat de bovins et d'ovins pour augmenter leur cheptel. Cet aveu vient conforter la thèse que la wilaya de Tiaret est une région beaucoup plus agropastorale que céréalière. Il suffit pour s'en convaincre de comptabiliser le nombre de céréaliculteurs qui sont aussi des éleveurs ovins. Ces derniers sont d'ailleurs beaucoup plus intéressés et occupés par l'augmentation de leur cheptel que par l'emblavement d'hectares supplémentaires pour la culture du blé tendre (une spécialité de la région) ou de l'orge, témoigneront des autochtones. «Dans l'esprit de bon nombre de ces professionnels, l'activité d'éleveur est plus lucrative.» A partir de ce constat, il devient facile de trouver une raison à cette tendance à la jachère dans cette région du pays où la transhumance pastorale a fini, semble-t-il par avoir raison de l'agriculture. «Le retour intégrale de la wilaya de Tiaret à sa vocation mère est une priorité si l'on veut tirer profit des potentialités céréalières de notre région», diront des professionnels qui, en réalisant des rendements de 32 quintaux à l'hectare, ont prouvé qu'effectivement, et pour peu que l'on sorte du bricolage, mis en évidence dans beaucoup de parcelles, en s'appuyant sur le strict respect des itinéraires techniques, la plaine du Sersou peut redevenir dans un futur proche une référence nationale en matière de production céréalière, toutes espèce confondues, et, partant, contribuer à notre indépendance alimentaire.