Les moyens de mettre en valeur le patrimoine culturel et naturel en Afrique, et d'éviter qu'il ne soit instrumentalisé à des fins politiques, seront l'objet de ce colloque international dont le thème est «patrimoine, mémoire et politique». Une cinquantaine d'intervenants débattront des stratégies futures de valorisation du patrimoine en Afrique. «Le patrimoine est devenu un enjeu majeur de l'affirmation de la construction ou de la reconstruction des identités locales en Afrique», notent les organisateurs dans leur présentation de ce colloque qui s'achèvera samedi prochain. «Les retombées économiques escomptées de sa valorisation en font un nouvel objet de convoitise et sa puissante charge symbolique en fait un instrument du politique», ajoutent-ils. L'implication des communautés locales dans la mise en valeur de leur patrimoine semble une condition sine qua non du succès de l'opération, à l'exemple des forêts sacrées kaya de Rabai, sur la côte kényane, ou de la région de Kilwa en Tanzanie. Mais dans d'autres cas au Kenya, la création de zones naturelles protégées a pour effet pervers d'isoler les communautés locales et de les maintenir à l'écart des retombées économiques espérées, soulignent plusieurs contributions aux débats. Initié par des institutions kényanes, à l'instar des musées nationaux du Kenya et du Centre pour le développement du patrimoine en partenariat avec des institutions françaises, le colloque évoquera également le rôle des musées dans la préservation des cultures régionales, notamment à travers l'exemple du muséum Africa de Johannesburg. Sur le site de Calenda, un programme détaillé des interventions avec les résumés ainsi que l'argumentaire du séminaire qui sera organisé aujourd'hui en préambule du colloque est mis en ligne. Les organisateurs argumentent cette initiative par un double objectif. Il s'agit, d'une part, de proposer un regard réflexif sur le colloque institutionnel, sur les discours tenus et les acceptions mobilisées pour chacun des mots-clés. D'autre part, dresser un état des lieux de la recherche sur les patrimonialisations du continent. Dans l'argumentaire, il est souligné qu'«alors que l'Afrique fête le cinquantenaire de ses indépendances, plusieurs éléments concourent à activer ou renforcer certaines dynamiques de patrimonialisation. La démocratisation relative des régimes politiques et les secondes indépendances des années 1990, loin d'étouffer l'écriture des romans nationaux, invitent aujourd'hui à considérer l'émergence d'une hypothétique société civile de la culture. La production culturelle et artistique qui en découle participe-t-elle à une patrimonialisation au même titre que l'ingénierie étatique (musées, monuments historiques) ?». L'Afrique du Sud, actuellement sur le devant de la scène médiatique grâce à la Coupe du monde de football 2010, sera présente à cette rencontre internationale avec notamment Naomi Roux, chercheuse au Center for Urbanisme and Built Environment Studies (CUBES), Université de Witwatersrand. Elle présentera une conférence intitulée «le projet Yeoville Stories : la mémoire comme histoire partagée à Johannesburg». Dans le résumé de la conférence, il est précisé que le projet Yeoville Stories vise à recueillir, préserver et disséminer les histoires et récits associés au quartier de Yeoville, une banlieue de Johannesburg largement liée aux diasporas africaines. Ce travail comprend le recueil d'histoires de vie retraçant l'arrivée dans le quartier, histoires qui sont la plupart du temps des histoires de migration, de déplacement et de construction d'une nouvelle vie dans un lieu étranger. Le travail comprend aussi le recueil d'histoires et de mémoires associées à des espaces particuliers de Yeoville, mettant ainsi en avant la construction par les migrants d'un sens du lieu et leur expérience ordinaire des lieux de mémoire dans la ville. La réflexion théorique de la chercheuse est de démontrer la complexité historique et sociale de cet espace et son importance dans les récits de vie des résidants, en utilisant des sources d'information alternatives pour contrer le discours du déclin souvent instrumentalisé pour caractériser ce type de quartier. Ainsi le projet relève aussi d'une réflexion plus vaste sur l'identité sud-africaine. S. A.