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Les défis de la création culturelle
PAYS DU MAGHREB
Publié dans L'Expression le 05 - 11 - 2009

La culture est essentielle. Sans elle la société ne peut progresser, ni produire le beau, le juste et le vrai.
Le Maghreb est confronté au défi de réaliser le binôme authenticité et progrès. Nulle société raisonnable ne peut accepter la régression des comportements. C'est une question culturelle. La culture est essentielle. Sans elle la société ne peut progresser, ni produire le beau, le juste et le vrai. La culture, qui n'est pas le folklore, a mille bienfaits. C'est l'air que respire l'humain civilisé. Préparer le futur est la responsabilité de tous, afin que les nouvelles générations soient compétentes et éduquées. C'est l'enjeu, afin de ne subir ni la sous-culture de l'hégémonie mondiale, ni les effets dévastateurs de l'inculture sur le plan interne. L'opinion publique considère que le thème du «dialogue des cultures et des civilisations» n'est pas assez opérant, comme coupé de la dure réalité. Cependant, tout un chacun sait aussi que dans un contexte de mondialisation, de crise et de loi du plus fort, qu'il n'y a pas d'alternative à la culture, au savoir et au débat, pour favoriser le développement équilibré, la coexistence et le rapprochement entre les peuples. Il faut donc multiplier les espaces et les programmes culturels et donner à tous le désir et la possibilité de se cultiver.
Remède contre l'obscurantisme
Un des premiers buts de la culture est d'être le meilleur remède contre l'obscurantisme. Des conditions favorables pour soutenir les créateurs et les rencontres culturelles sont vitales pour faire reculer les pratiques rétrogrades et essayer de faire avancer la réflexion sur des sujets culturels fondamentaux. Malgré les problèmes inhérents au développement, les intellectuels, les créateurs et les universitaires des pays du Maghreb devraient redoubler d'effort pour tenter de donner leur point de vue et de marquer leur sens de l'ouverture culturelle. Il s'agit de l'avenir civilisationnel et de la possibilité de forger des citoyens producteurs de valeurs.
En 2010, Tlemcen aura le privilège d'être la capitale de la culture islamique. C'est un événement majeur qui démontrera que le patrimoine de cette ville historique est vivant, tourné vers la conjugaison entre authenticité et modernité. En Algérie, après «l'année de la culture arabe en 2007» et le Festival panafricain de l'été 2009, qui sont les grandes manifestations culturelles de l'Afrique et du monde arabe, qui accompagnent un mouvement de renaissance culturelle, l'Algérie ne peut que continuer à pratiquer l'hospitalité, avec des manifestations culturelles de fond. Après les débats à l'occasion de la 14e Foire internationale du Livre d'Alger, notamment sur la responsabilité des écrivains au sujet de la diversité culturelle, et, tout le long de l'année, les colloques organisés dans les différentes enceintes algériennes, ces opportunités et espaces de discussions montrent que le Maghreb, pont entre le Nord et le Sud, entre l'Orient et l'Occident, prend conscience de la situation complexe et préoccupante et de la priorité à donner à la culture scientifique.
Deuxième but de la culture: elle fonde l'esprit scientifique et critique. Sans cette dimension de l'exercice de la raison, point de développement. Ainsi, au Maghreb les manifestations culturelles et scientifiques méritent d'être menés de manière approfondie pour faire rayonner les comportements évolués. La solution réside dans la généralisation de l'acte culturel à l'école et dans le pays profond, la circulation de l'information et la synergie des efforts. Dans ce sens, lier science et éthique est essentiel. Dans le cadre de la célébration de la manifestation «Kairouan, capitale de la culture islamique», est organisé, les 20 et 21 novembre 2009 à Kairouan, un colloque scientifique international autour du thème «Ethique et sciences de la vie», prévu avec un programme qui comporte des exposés relatifs au rôle des comités d'éthique, et au rapport entre progrès et valeurs morales: «Sciences et spiritualité en contexte islamique». Les conférences mettront en exergue les incertitudes, avec des cas de bioéthiques, la question des sciences et de l'éthique aujourd'hui, et le regard critique sur ce sujet. Les pensées maghrébines contemporaines face au défi de la bioéthique, des sciences et éthiques, et des crises du comportement, doivent se renouveler pour contribuer à l'idéal commun.
La culture a pour troisième but de consolider le lien social et le vivre-ensemble, de limiter les égoïsmes et les comportements fermés. Passé, présent et avenir sont convoqués pour confronter des points de vue. La mémoire au pays de Novembre est un thème privilégié. L'université 20-Août 1955 de Skikda a accueilli les 25 et 26 octobre 2009, le quatrième Colloque international sur «l'image de l'Algérien dans le discours colonial». Près de 40 chercheurs et historiens des universités d'Algérie, du Maghreb et d'Europe ont pris part à cet événement scientifique avec la participation de l'Institut français des langues et civilisations orientales. Les communications ont traité du contexte socio-historique de la nuit coloniale, de l'apparition et de l'utilisation du concept raciste de «l'indigénat» dans le discours colonial, la législation coloniale: du code de l'indigénat à la loi sur les prétendues «vertus» de la colonisation, l'image de l'indigène dans les livres scolaires et l'anthropologie, base de la légitimation mensongère du fait colonial. Il s'agit par ce type de colloque, de corriger l'image de l'Algérien dans le discours colonial qui a pris faussement appui sur la science pour servir ses visées coloniales expansionnistes et génocidaires en qualifiant l'Algérien «d'indigène maghrébin». Ce colloque a eu également pour but, selon ses organisateurs, d'informer les générations montantes sur l'histoire de leur pays et d'encourager l'écriture de l'histoire.
A Oran les 2, 3 et 4 mars 2010, un colloque international sur le grand maître soufi cheikh el Akbar Ibn Arabi et son héritage dans l'histoire du soufisme, sera organisé à l'initiative de l'Institut supérieur de management Avicenne (Isma) sous le patronage du Haut Conseil islamique (HCI). Le soufisme, l'ihsan, est un antidote, un rempart et un ciment face aux déformations de la pratique spirituelle. Le colloque inclut des spécialistes du soufisme de renom, occidentaux et des pays musulmans. Le souci des organisateurs sera d'étudier comment la pensée universelle d'Ibn Arabi a influencé la culture soufie humaniste, en proposant une relecture des textes maghrébins. Le colloque sera l'occasion de faire connaître des grands soufis algériens, patriotes et savants. Ces travaux permettront de faire avancer l'édition critique du riche patrimoine soufi, pour mettre en valeur les apports authentiques.
Quatrième but, la culture forge un citoyen vigilant, conscient des enjeux mondiaux. Le citoyen inculte peut être influencé et manipulé. La culture le dote des moyens de discernement. Le dialogue des cultures dépend souvent de la manière dont les médias traitent de la question. Le Centre interdisciplinaire des études stratégiques et internationales et la Fondation Esprit de Fès organisent ces 15-16-17 novembre 2009 le Forum sur l'Alliance des civilisations et la diversité culturelle sous le thème: «Médias et communication: enjeux et défis du troisième Millénaire.» C'est un sujet au coeur de l'actualité. Depuis l'arrivée de Barack Obama, un espoir est apparu pour que le dialogue prenne la place de la logique insensée de la propagande du choc. Cependant, les humanistes et démocrates à travers le monde commencent à douter. La politique des deux poids deux mesures, la situation tragique en Palestine, la montée de l'islamophobie dans le monde et les replis identitaires montrent que la partie, pour réaliser la coexistence, est loin d'être gagnée. De ce fait, il est urgent de compter sur soi, de se cultiver, de réfléchir sur les enjeux et la responsabilité de tous, à commencer par celles des médias, qui sont majeures, afin d'éviter que la méconnaissance, la violence et les fossés ne ruinent l'avenir.
Les rencontres culturelles présentent l'avantage de regrouper une riche palette de spécialistes, représentative du vaste intérêt manifesté à l'égard de la thématique abordée: des intellectuels de divers horizons, des professionnels de l'information à travers le monde, des hommes politiques, des chercheurs et des universitaires, des représentants de la société civile, des académiciens.
La diversité des parcours intellectuels et professionnels des participants témoigne de l'esprit de partage et de la richesse du pluralisme, malgré les problèmes inhérents à chaque société.
Respecter le droit à la différence
Cinquième but, la culture favorise le respect du droit à la différence. Sans ce point-clé, la violence sociale dominera. D'autant que se pose la question: «Les médias arabes et occidentaux, dans un climat général de crise, peuvent-ils développer la capacité de comprendre et respecter l'autre?» Le dialogue culturel à travers les médias peut créer une interaction, un échange instructif enrichissants qui ouvrent l'esprit et encouragent le partage des idées dans le respect d'autrui. L'information culturelle, à travers le livre, le cinéma, le théâtre, la musique, les arts plastiques et le patrimoine, est le moyen stratégique d'enrichir l'identité et d'explorer les différents processus et mécanismes par lesquels on prévoit les transformations pour les assumer. Percevoir et comprendre les différences, élargir la vision du monde, approfondir la connaissance de soi-même pour bâtir un monde civilisé est le but. Cependant, l'ignorance, les préjugés mutuels, les conditions du débat et la tentative d'hégémonie mondiale peuvent freiner ces possibilités. Les peuples attendent un nouvel ordre mondial juste. Des citoyens cultivés et les débats culturels y contribuent. Les hommes de culture, dans leur diversité et leurs contrastes, doivent persévérer pour assumer leur vocation si vitale, au service de leur patrie.
(*) Philosophe
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